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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 33

Le mercredi 9 février 2005
L'honorable Shirley Maheu, Présidente intérimaire


 

 

LE SÉNAT

Le mercredi 9 février 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE DÉCÈS DE L'HONORABLE STANLEY RONALD BASFORD, C.P., C.R.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'interviens pour dire quelques mots au sujet de notre ancien collègue, l'honorable Ron Basford, décédé il y a deux semaines en Colombie-Britannique.

L'honorable Ron Basford a siégé à la Chambre des communes de 1963 à 1978 à titre de député de la circonscription initialement désignée Vancouver-Burrard et, par la suite, Vancouver-Centre. Ron Basford a occupé des fonctions ministérielles à quatre reprises au cours de cette période. Il a été ministre d'État aux Affaires urbaines, ministre des Consommateurs et des Sociétés, ministre du Revenu national et ministre de la Justice.

Ron Basford s'est démarqué par sa diligence et son dévouement au travail ainsi que comme chef de file à l'égard des questions concernant particulièrement sa circonscription. Il s'est avéré un excellent représentant pour sa circonscription, comme en fait foi aujourd'hui Granville Island. J'espère que de nombreux sénateurs ont visité les marchés de produits agricoles et culturels établis sur cette île.

Lorsque M. Basford est entré en fonction en qualité de responsable des affaires urbaines, Granville Island était un site industriel pollué qui faisait plutôt la honte de Vancouver. M. Basford et son équipe avaient une vision et ont réussi non seulement à la concrétiser mais aussi à créer un site fonctionnel. Aujourd'hui, Granville Island constitue un des principaux centres d'intérêt de Vancouver.

Je souligne également deux ou trois autres réalisations qui ont marqué la carrière de notre ancien collègue. Il a été le premier ministre des Consommateurs et des Sociétés à se pencher sur le prix des médicaments et à mettre en place un régime législatif de contrôle des prix dans ce secteur. Il a également mis en oeuvre une mesure législative concernant les produits dangereux, un précédent à l'époque. En outre, il était à la tête de la politique gouvernementale concernant l'application du système métrique.

J'ai assisté à une réunion sur le système métrique en compagnie de M. Basford à Sechelt, où il s'est installé à sa retraite en 1990. Une des personnes présentes à cette occasion a déclaré de but en blanc à M. Basford qu'il faisait carrément fausse route puisque la marée monte en pieds, jamais en mètres. J'ai trouvé cet argument fort impressionnant.

Au portefeuille de la justice, M. Basford est mieux connu pour avoir été à l'origine de la décision du gouvernement d'éliminer la peine de mort au Canada. Il devrait également être reconnu pour avoir favorisé la nomination de Bertha Wilson à la Cour suprême du Canada.

Enfin, je me rappelle une question touchant un député, Tom Cossitt, dont certains dans cette enceinte vont se rappeler, et la Loi sur les secrets officiels. M. Basford avait adopté une position ferme en refusant de poursuivre un député aux termes de cette loi. Il va beaucoup nous manquer.

LA POLITIQUE SUR LES FUSIONS BANCAIRES

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, jeudi dernier, la présentation du document d'orientation du gouvernement fédéral sur les fusions bancaires a été retardée une fois de plus. Les grandes institutions financières du pays ne peuvent compter à l'heure actuelle sur une option commerciale essentielle, soit la capacité de fusionner ou non lorsqu'elles le jugent bon. Nos grandes banques attendent depuis 1998 que le gouvernement adopte une politique globale sur les fusions bancaires. Jusqu'à maintenant, le document n'a toujours pas été présenté et il devrait l'être.

En décembre 2003, le ministre des Finances a promis aux Canadiens que les lignes directrices sur les fusions bancaires seraient rendues publiques en juin 2004. En juin, il a déclaré que le document serait prêt en septembre. En septembre, il a retardé encore davantage le processus en annonçant sur les ondes du réseau anglais de la Société Radio-Canada que la bureaucratie fédérale était trop occupée par d'autres tâches.

Or, le ministre des Finances a maintenant annoncé, dans le cadre d'une entrevue accordée au Toronto Star jeudi dernier, que la présentation de la position du gouvernement fédéral serait encore retardée et qu'il n'y aurait pas d'échéancier pour le dépôt de ce document d'orientation.

Honorables sénateurs, c'est inacceptable. La Banque Royale, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Toronto-Dominion et la Banque de Montréal attendent depuis 1998 que notre gouvernement rende public son document d'orientation qui établirait les lignes directrices régissant les fusions bancaires. Après sept années d'attente, les dirigeants de nos grandes banques ne sont pas optimistes quant aux perspectives de voir le gouvernement agir rapidement dans ce dossier.

Ainsi, Gordon Nixon, président et chef de la direction de la Banque Royale du Canada, affirme qu'il s'attend à ce que le gouvernement fédéral prenne au moins trois ans pour publier une politique sur les fusions bancaires. Pour sa part, Ed Clark, président et chef de la direction de la Banque TD, a déclaré qu'il ne s'attendait pas à ce qu'on clarifie la question.

En l'absence d'une politique globale claire sur la consolidation du secteur financier, nos banques ne peuvent tout simplement pas faire face aux énormes changements qui se produisent dans le secteur bancaire international.

Honorables sénateurs, le rôle traditionnel des banques qui consistait à servir d'intermédiaire entre les prêteurs et les emprunteurs change considérablement. Les banques canadiennes doivent pouvoir s'adapter à la concurrence croissante à l'échelle nationale et internationale. L'inaction de notre gouvernement nuit irrémédiablement à notre économie. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour veiller à la vitalité de notre secteur bancaire. L'élaboration d'une politique sur les fusions bancaires serait un bon premier pas.

M. JAMES BEAUMONT

FÉLICITATIONS AU LAURÉAT DE LA MÉDAILLE AMÉRICAINE SILVER MEDAL PIOBAIREACHED

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à James Beaumont, étudiant écossais qui étudie et enseigne au College of Piping and Celtic Performing Arts à Summerside, en Île-du-Prince-Édouard.

(1340)

Le 14 janvier 2005, James s'est mesuré à 31 autres cornemuseurs et a remporté la prestigieuse médaille américaine Silver Medal Piobaireached au concours organisé à Kansas City, dans l'État du Missouri, par le Midwest Highland Arts Fund et la Midwest Pipe Band Association. Il s'agit du plus grand concours de cornemuse et de percussion en Amérique du Nord. Cette victoire est un véritable exploit pour James, étant donné que c'était la première fois qu'il s'inscrit à un concours en Amérique du Nord.

James a connu un autre succès avec son groupe, « Shott's and Dykehead », qui a remporté le titre de champion du monde à 14 reprises et qui a joué pour la reine et le pape.

Depuis sa fondation en 1991, le College of Piping and Celtic Performing Arts encourage et préserve activement la culture et le patrimoine celtiques en offrant des cours de cornemuse, de percussion et de danse écossaises. Il est le seul établissement du genre ouvert à l'année longue, et est associé au College of Piping, collège de renommée mondiale à Glasgow, en Écosse.

Il est parfaitement justifié que le collège soit situé à l'Île-du- Prince-Édouard, dont 70 p. 100 environ de la population est d'origine écossaise ou irlandaise, ce qui en fait la province la plus celtique du Canada.

Le collège est sous la direction remarquable de Scott MacAulay, un champion mondial de cornemuse écossaise qui, en collaboration avec son personnel enthousiaste et compétent, offre un programme d'études de renommée internationale qui attire des étudiants du monde entier, qui viennent y développer leurs talents.

Honorables sénateurs, le College of Piping and Celtic Performing Arts of Canada est né du rêve d'un petit groupe de bénévoles de l'Île-du-Prince-Édouard désireux de conserver et promouvoir leur culture. Aujourd'hui, le collège est un vivant hommage aux rêves audacieux et à la vision dynamique qui se sont enracinés fermement et qui ont été cultivés et alimentés avec le plus grand soin.

Je tiens à transmettre toutes mes félicitations et mes meilleurs voeux de succès pour l'avenir à James Beaumont ainsi qu'aux membres du personnel et aux étudiants du collège.

[Français]

LES SOINS DE FIN DE VIE DE QUALITÉ

L'honorable Lucie Pépin : Honorables collègues, le récent suicide de Marcel Tremblay a relancé le débat sur l'euthanasie et l'aide au suicide. N'en pouvant plus, ce septuagénaire a décidé de devancer une mort à laquelle il était condamné. Mon expérience d'infirmière m'inspire le plus grand respect pour les personnes qui n'en peuvent plus et décident de mettre fin à leur vie.

En plus de réduire sa souffrance, M. Tremblay a voulu, par son geste, nous dire que les grands malades devraient avoir le droit de s'enlever la vie, entourés de leur famille, sans s'inquiéter des conséquences. C'est une demande raisonnable qui mérite toute notre attention.

Notre passé récent est jalonné de plusieurs autres cas qui exigent d'accélérer notre réflexion à ce sujet. Il est déjà lourd pour une mère d'aider son fils à se donner la mort et encore pire de devoir pour cela faire face à la justice. C'est la situation que vit actuellement Marie Houle, de Montréal. Il est anormal que Manon Brunelle ait dû s'expatrier en Suisse pour pouvoir mourir dignement. On se souvient encore du suicide de Sue Rodriguez, en 19994.

Il est évident qu'en plus de ces cas connus et médiatisés, il existe d'autres Canadiens et Canadiennes qui se sont donné clandestinement le droit d'abréger leurs souffrances ou encore de vivre avec les conséquences d'un suicide raté.

Et pour cause, un amendement au Code criminel en 1974 a décriminalisé le suicide et maintenu l'assistance au suicide. Nous ne pouvons que nous demander s'il est juste de reconnaître ce droit aux personnes capables de s'enlever légalement la vie, tandis que d'autres, parce qu'ils n'en ont plus les moyens physiques, ne peuvent voir leur souhait exaucé.

Il est d'ailleurs prouvé que, pour un malade, le fait de savoir qu'il peut partir en paix et dignement lorsqu'il n'en peut plus est une assurance psychologique qui réduit le besoin de faire prématurément ses adieux à la vie.

Je suggère fortement que l'on prête attention à ce qui se fait en Belgique et aux Pays-Bas. Dans ces deux pays, lorsqu'un malade formule lui-même sa demande de façon répétée et volontaire et qu'il remplit les critères imposés, un médecin peut alors l'aider à quitter ce monde selon la méthode de son choix.

Malgré tout, légaliser et dépénaliser l'aide au suicide doit être l'ultime recours. Il faut continuer de donner la chance aux moyens que la science met à notre disposition pour traiter la dépression et contrôler la douleur. Je suis persuadée qu'une amélioration de l'accessibilité à des soins palliatifs de qualité aiderait également à maintenir le goût de vivre chez les personnes en phase terminale.

Je conviens que la prudence doit être de mise. La législation de l'aide au suicide ne doit en aucun cas être le prétexte rêvé pour se débarrasser des personnes jugées encombrantes.

Je vous réfère à l'excellent rapport qui fut produit au Sénat et parrainé par madame le sénateur Carstairs, intitulé Rapport des soins de fin de vie de qualité — chaque Canadien et Canadienne y ont droit , de 1995.

Je vous invite, en tant que parlementaires, à revoir ce dossier afin que nous puissions poursuivre notre réflexion.

[Traduction]

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, il ne fait pour moi aucun doute que, sans la contribution de toutes les collectivités qui le composent, le Canada ne serait pas le pays remarquable qu'il est devenu. Nous reconnaissons tous la contribution des Canadiens de toutes provenances à la richesse multiculturelle de notre pays. Depuis 10 ans, le mois de février est pour nous l'occasion de saluer la contribution des Canadiens noirs à notre histoire et à notre patrimoine.

Hier, Jean Augustine qui, lorsqu'elle était députée, avait présenté une motion proposant de faire de février le Mois de l'histoire des Noirs, a présenté le premier ministre du Canada à un groupe composé principalement de jeunes Canadiens noirs qui se trouvaient sur la Colline du Parlement. Le premier ministre leur a parlé de l'importance de l'histoire et du rôle enrichissant des Noirs dans la vie des Canadiens. Il a également déclaré que tous les Canadiens pouvaient trouver une source d'inspiration dans l'histoire des Noirs, arrivés chez nous par le chemin de fer clandestin ou en provenance des Antilles ou d'Afrique.

Étant moi-même d'origine africaine, j'ai pris plaisir à me retrouver au sein de ce groupe, en compagnie des sénateurs Mercer, Oliver, Poy et Cools.

Bien que le Mois de l'histoire des Noirs ait principalement pour objet de rappeler la contribution des anciens dirigeants noirs, le premier ministre Martin a aussi parlé de l'avenir. Il a dit aux jeunes assemblés sur la colline que le Mois de l'histoire des Noirs porte, en fait, sur l'histoire qu'eux-mêmes contribueront à façonner à la tête de ce pays au cours des 50 prochaines années. Il leur a également dit qu'en participant à l'histoire, ils pousseraient leurs congénères des futures générations à atteindre des objectifs encore plus ambitieux. Le premier ministre s'est notamment exprimé en ces termes :

J'espère sincèrement que, dans 25, 30 ou 50 ans, un autre groupe de jeunes, comme vous, se retrouvera ici pour célébrer 50 années de notre glorieuse histoire au cours desquelles vous aurez dirigé ce pays. Car c'est de cela qu'il s'agit.

Je pense que c'est l'avenir que nous pouvons tous envisager.


AFFAIRES COURANTES

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à 15 h 15, le mardi 15 février 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE

DÉPÔT DU RAPPORT DU DIXIÈME SOMMET, TENU DU 23 AU 27 NOVEMBRE 2004

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie sur sa participation au dixième Sommet de la Francophonie tenu à Ouagadougou, au Burkina Faso, du 23 au 27 novembre 2004.


(1350)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRANSPORTS

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE—LES EFFETS DE LA CONGESTION DES COULOIRS COMMERCIAUX

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre et tous les honorables sénateurs sont conscients du fait que nos prévisions économiques sont revues à la baisse, notamment en raison des difficultés engendrées par la congestion de nos systèmes de transports. Comme nous l'avons mentionné au cours des derniers jours, ici même au Sénat, cela se produit à l'heure actuelle en Colombie-Britannique. D'autres couloirs de circulation sont également aux prises avec ce problème. On pense à Windsor- Detroit, par exemple. Cette situation met à l'avant-scène la nécessité que les gouvernements agissent de façon proactive afin de régler les problèmes liés à notre infrastructure de transport.

En ce qui a trait à la Colombie-Britannique, il a été proposé que la fusion des ports de la vallée du Bas-Fraser avec celui de Prince Rupert diminuerait les coûts d'infrastructure et permettrait une meilleure utilisation de l'infrastructure existante. Cette solution est mentionnée dans un récent article sur les transports publié par le professeur Michael Goldberg, de l'Université de la Colombie- Britannique. Cependant, les lois fédérales régissant la structure des autorités portuaires devraient être examinées, sinon modifiées.

Le gouvernement peut-il nous fournir des renseignements contextuels à ce sujet? S'assurera-t-il que la paperasserie administrative ne fera pas obstacle à cette initiative et, de fait, que des partenariats fédéraux seront établis afin de trouver une solution aux problèmes de transport?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella de sa question qui entame la deuxième manche d'une discussion lancée il y a quelques jours pendant la période des questions.

Le gouvernement du Canada n'envisage pas la fusion du port de Vancouver avec celui de Prince Rupert. Ce sont des ports autonomes qui mènent leurs opérations de façon tellement différente qu'une fusion n'apporterait aucun avantage.

Il y a en fait quatre ports le long de la côte de la Colombie- Britannique : celui de Prince Rupert, celui de Vancouver, l'Administration portuaire du Fraser, qui régit la navigation sur le Fraser jusqu'à New Westminster et au-delà, et enfin le port de Delta, qui a d'énormes installations pour le chargement du vrac.

Comme nous l'avons signalé il y a quelques jours, la congestion se fait surtout sentir dans le transbordement des conteneurs, et cela s'explique par la phénoménale croissance des exportations chinoises destinées aux marchés nord-américains, et le port de Vancouver a l'avantage de pouvoir acheminer plus rapidement que n'importe quel port américain les conteneurs en provenance de Chine, de Hong Kong, de Taïwan, de la Corée et du Japon, notamment vers les marchés du centre des États-Unis.

Cette demande imprévue exerce des pressions sur les ports, le réseau ferroviaire et le camionnage, qui joue également un rôle, et les autorités gèrent bien situation.

Le même problème de congestion est observé dans les ports de San Diego, de Los Angeles et de Seattle-Tacoma. Notre problème n'est donc pas unique, et je suis prêt à soutenir que nous le gérons mieux que les ports américains.

L'administration portuaire de Prince Rupert demande un soutien financier pour construire des installations pour conteneurs. Pour l'instant, ce port n'est pas équipé pour les recevoir. S'il l'était, il pourrait réduire de deux jours les délais d'expédition entre Hong Kong ou Shanghai, par exemple, et le Midwest.

Il y a des efforts qui se font. La Colombie-Britannique s'est engagée à fournir des fonds pour aider le port à se développer, et une entreprise du New Jersey, qui exploite les ports de cet État, s'est proposée pour exploiter le port pour conteneurs de Prince Rupert et elle est disposée à investir 60 millions de dollars. Le CN a également accepté d'investir des fonds et de préparer les installations.

Le gouvernement du Canada est actuellement dans une position inconfortable, comme le sénateur Kinsella doit le savoir, car les dispositions de la Loi maritime du Canada n'autorisent pas le transfert de crédits parlementaires à des ports canadiens, sinon dans le cadre d'une politique d'application générale. Il cherche des moyens de venir en aide au port de Prince Rupert.

Quant au couloir Windsor-Detroit, il s'agit, comme les sénateurs le savent, d'un des problèmes de transport les plus considérables que nous ayons. Par ce point d'entrée transite un trafic commercial énorme, dans les deux sens, et on s'interroge sur la capacité de cette artère de transport et sur les problèmes de sécurité qu'elle pose. Le gouvernement étudie la question le plus rapidement possible et il a des entretiens avec les autorités américaines pour discuter de l'élaboration d'un plan commun de développement.

Ailleurs au pays, des discussions se tiennent également entre la province du Nouveau-Brunswick et l'État du Maine sur une initiative de cofinancement visant à améliorer les grands axes de circulation.

Je ne suis pas d'accord avec la déclaration du sénateur Kinsella selon laquelle ces problèmes minent l'économie. Cependant, nous devons nous attaquer à ces problèmes, sinon ils risquent d'avoir un sérieux impact sur la croissance de notre PIB.

L'EFFET DE LA CONGESTION DES COULOIRS COMMERCIAUX—LA REVITALISATION DES PORTS DE LA CÔTE EST

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie le ministre de cette réponse qui a attiré notre attention sur le Nouveau-Brunswick. Le gouvernement fédéral doit considérer que le problème de congestion a une envergure nationale. Le port de Saint John, le plus profond port de mer du Canada, je crois, peut accueillir des porte-conteneurs à fort tirant d'eau et est sous-utilisé à l'heure actuelle.

Je suis certain que le député de Saint John appuierait toute initiative gouvernementale portant sur le port de Saint John qui n'est pas exploité à sa pleine capacité. Je suis sûr que tous les honorables sénateurs auront lu dans diverses publications l'intérêt suscité par les transporteurs maritimes asiatiques qui passent par le canal de Panama et remontent le long de la côte est.

Le sénateur Mercer : Ils se rendent à Halifax, où il y a beaucoup d'espace d'amarrage.

Le sénateur Kinsella : L'honorable sénateur, qui vient de Halifax, est au courant de la situation.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire ce que le gouvernement entend faire pour revitaliser les ports de la côte est, comme le port de Saint John, pour régler les problèmes de congestion?

La congestion est un bon signe, mais si nous ne faisons rien pour régler le problème, il peut devenir un grand mal national.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur Kinsella que la congestion est un signe de la pleine utilisation des capacités, ce qui est bon, mais nous ne voulons certainement pas entraver la croissance de notre commerce, c'est pourquoi nous sommes déterminés à développer nos infrastructures et nos capacités.

(1400)

Certains expéditeurs asiatiques font transiter leurs marchandises par le canal de Panama pour parvenir jusqu'à Halifax. Cet itinéraire prolonge considérablement les délais d'expédition. Cependant, si les marchandises ne peuvent être déchargées à Vancouver, puis transférées à partir de là, c'est peut-être la meilleure des deux options. Je propose que l'on soumette ces questions à un certain nombre d'expéditeurs de la côte ouest, qui ont leur siège social le long de la côte asiatique — Singapour, Japon, Corée, Hong Kong et Shanghai —, lorsqu'ils seront appelés à témoigner devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-15 relatif aux oiseaux migrateurs. Une autre question les préoccupe, et il s'agit des peines proposées dans le projet de loi C-15, qu'ils jugent excessives.

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

LA RÉSERVE POUR L'UNITÉ NATIONALE

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, hier au Sénat, on a vu que le leader du gouvernement au Sénat en savait beaucoup plus long sur le fonds pour l'unité nationale qu'en mars 2004. Le leader prétend que ce fonds existe depuis l'administration de Pierre Trudeau. Est-ce que le leader peut indiquer précisément au Sénat à quel moment l'actuel premier ministre a été informé de l'existence de ce fonds?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Voilà, honorables sénateurs, un vieux sujet dont le sénateur Tkachuk et moi-même avons discuté à quelques reprises au cours des derniers mois. Nous devrions attendre la comparution du premier ministre, le très honorable Paul Martin, devant la commission Gomery, qui est prévue pour demain. Peut-être que les points qui ne sont pas clairs aujourd'hui le seront alors.

Le sénateur Tkachuk : Nous essaierons de clarifier non pas les propos de l'actuel premier ministre, mais peut-être ceux de l'ancien, puis ceux du leader. Après que le leader du gouvernement au Sénat a eu présenté ses observations hier, on a entendu l'ancien premier ministre affirmer que le fonds avait été établi en 1996, que le Cabinet l'avait approuvé à l'unanimité, y compris le ministre des Finances, et qu'un comité du Cabinet allait être chargé de le surveiller. Le leader pourrait-il indiquer exactement à quel fonds il faisait référence et de quel fonds l'ancien premier ministre parlait?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le fonds a peut-être été rebaptisé de temps à autre, mais jamais le Conseil du Trésor n'a cessé, depuis l'époque du premier ministre Trudeau, de réserver des fonds pour régler les questions d'unité nationale, particulièrement en ce qui concerne le Québec. Depuis que j'ai donné ma réponse hier, j'ai appris que le fonds existait pendant le gouvernement du premier ministre Mulroney, mais que celui-ci avait demandé qu'il soit annulé parce que, je suppose, aucun effort particulier n'avait besoin d'être consenti pour protéger l'unité nationale au Québec.

Le sénateur Stratton : Le leader émet-il une hypothèse ou s'il est certain de ce qu'il avance?

Le sénateur Tkachuk : Le leader savait que le fonds existait sous le gouvernement de Trudeau et savait également pertinemment que la question de madame le sénateur LeBreton ne portait pas sur le fonds, mais bien sur le programme de commandites. Je ne veux pas dire qu'il induit les sénateurs en erreur, mais il sème certes la confusion, et peut-être à dessein. Je ne pense pas que le sénateur LeBreton mérite ce genre de réponse. Si le fonds actuel est le même qu'avait établi le Cabinet libéral en 1996, et trois ministres en avaient la responsabilité, alors peut-être que le leader pourrait expliquer au Sénat ce que faisaient ces trois ministres à ce titre, compte tenu du fait que le programme a abouti à la création de la Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. À qui ces trois ministres devaient-ils rendre des comptes?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk se met le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. J'ai répondu à une question qui portait sur un fonds établi dans le but de faire face à des problèmes d'unité nationale. En ce qui concerne l'usage auquel aurait pu réserver ce fonds l'un ou l'autre des premiers ministres, je n'ai pas donné la moindre réponse à ce sujet. Je n'ai aucune information à donner au Sénat concernant le programme de commandites, si c'est l'appellation que le sénateur Tkachuk préfère employer. Ce dossier repose entre les mains de la commission Gomery, où il restera jusqu'à ce que le commissaire dépose son rapport.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je présume qu'il existe toujours un fonds pour l'unité nationale?

[Traduction]

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je devrai présenter une demande à ce sujet, parce que je n'en ai pas vu la trace.

[Français]

Le sénateur Rivest : Honorables sénateurs, je ne sais pas si le leader du gouvernement au Sénat est au courant, mais 54 députés souverainistes ont été élus lors de la dernière élection.

[Traduction]

Le sénateur Austin : Bien sûr, je suis au courant.

LES FINANCES

LA BANQUE DU CANADA—LA VALEUR DU DOLLAR—LA POLITIQUE MONÉTAIRE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La Banque du Canada a changé sa position dernièrement concernant la hausse des taux d'intérêt. En effet, elle a laissé savoir que, bien qu'elle prévoie toujours augmenter les taux, l'augmentation sera plus lente qu'elle ne le pensait. Des taux d'intérêt plus élevés font monter la valeur du dollar, à court terme du moins, parce qu'on fait passer l'argent d'un pays à un autre, en quête des meilleurs rendements. Le ministre des Finances dit maintenant que l'appréciation récente du dollar l'inquiète, et la Banque du Canada affirme que cette augmentation nuit à la croissance économique.

Quelle est précisément la politique du gouvernement concernant la hausse récente du dollar? L'examen des observations présentées par le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances m'amène à demander au leader également ce qu'il est en mesure de nous dire au sujet de la nouvelle relation qu'entretiennent le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances concernant l'établissement de la politique monétaire?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorable sénateur, le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances n'entretiennent aucune nouvelle relation concernant l'établissement de la politique monétaire. La question de la politique monétaire relève de la Banque du Canada.

Cependant, le ministre des Finances peut avoir certaines opinions de temps à autre et souhaiter faire part au public de son point de vue concernant l'économie du Canada. Les taux d'intérêt sont la responsabilité de la Banque du Canada, qui agit indépendamment du gouvernement du Canada. La microéconomie et la macroéconomie relèvent du ministre des Finances, et je présume que tous les sénateurs seront intéressés par ce qu'il aura à dire le 23 février.

LA CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ

L'honorable Donald H. Oliver : Les propos du ministre des Finances ont été cités dans le Toronto Star du 27 janvier; le ministre a affirmé que, étant donné la hausse du dollar, « la productivité et la compétitivité constitueront des points prioritaires au programme du gouvernement ». Le ministre a ajouté que nous avions profité, artificiellement, de la dépréciation du dollar et que, à cause de cette dépréciation, « certaines opérations économiques, particulièrement dans le marché des exportations, pouvaient avoir semblé se faire assez facilement, presque automatiquement, ce qui pourrait avoir camouflé d'autres obstacles qu'il nous faut surmonter ».

Honorables sénateurs, le gouvernement a commencé à tenir de beaux discours sur l'innovation dès la parution du livre rouge de 1993. Il a déposé d'innombrables documents de travail, par exemple la série Programme : emploi et croissance, qui accompagnaient la Mise à jour économique et financière publiée en octobre 1994, il y a dix ans, sans compter les documents d'information qu'il a colligés et rendus publics.

Le leader du gouvernement peut-il indiquer au Sénat pourquoi, plus d'une décennie après que le gouvernement a cerné le problème, la croissance de la productivité du Canada continue d'accuser un retard par rapport à celle des États-Unis et pourquoi ce n'est que maintenant, en 2005, que le ministre des Finances trouve le temps de l'inscrire parmi ses priorités?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Il est totalement faux d'affirmer que ce n'est que maintenant que le ministre des Finances s'intéresse à la question de la productivité. Dès 1993, le gouvernement a classé la question de la productivité et de la compétitivité économiques du Canada parmi ses plus grandes priorités, et il surveille cela de près.

(1410)

Je suppose que le gouvernement mérite, par exemple, que l'on reconnaisse le rôle qu'il a joué dans la création de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui a investi plus de 3 milliards de dollars dans la recherche au profit des universités canadiennes aux fins d'amélioration de la productivité.

C'est une contribution qui a fait de plusieurs universités canadiennes des centres de recherche de premier plan reconnus. Ces universités peuvent ensuite obtenir des brevets et commercialiser les résultats de ces recherches par l'intermédiaire d'entrepreneurs privés. Ce n'est qu'un des programmes typiques visant à améliorer la position concurrentielle du Canada et sa productivité.

Comme le signale le sénateur Oliver, au plan économique, nous avons eu un coussin pendant un certain temps en raison du taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain, mais le système commercial mondial est en évolution. L'augmentation de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain est, à mon avis, car je ne suis pas ministre des Finances, attribuable en grande partie à la politique fiscale américaine, notamment aux déficits gouvernemental et commercial qui préoccupent certains économistes. Ces déficits ont donné lieu à la vente de devises américaines, ce qui a causé la montée du dollar canadien, laquelle nuit, comme l'a dit le sénateur Oliver, à la productivité du Canada.

Que faire, dans cette situation? C'est très difficile de répondre à cette question, car la solution dépend des efforts d'un grand nombre d'acteurs — les gouvernements, le secteur privé, le monde de l'éducation et le secteur bénévole. Comment pouvons-nous tous devenir efficaces, plus productifs? C'est tous ensemble que nous devrons prendre les moyens d'y parvenir. Je suis d'avis que le gouvernement a une politique cohérente à cet égard.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE CHOIX DU CORMORANT EH-101 DE PRÉFÉRENCE AU SIKORSKY S-92 COMME HÉLICOPTÈRE PRÉSIDENTIEL DES ÉTATS-UNIS

L'honorable J. Michael Forrestall : J'ai deux questions. Puis-je demander au leader du gouvernement au Sénat s'il me permet de m'associer à ses propos concernant le décès de Ron Basford, avec lequel j'ai eu le plaisir de servir à l'autre endroit durant un certain nombre d'années?

Il y a une semaine vendredi dernier, le gouvernement des États- Unis a choisi le EH-101 de préférence au Sikorsky S-92 comme nouvel hélicoptère présidentiel des États-Unis. J'aimerais demander au ministre combien de fois lui-même et ses prédécesseurs ont déclaré que ce qui est bon pour le président des États-Unis l'est aussi pour nous. Voici que la Marine a rejeté cet appareil, disant qu'il n'était pas assez bon pour elle.

John Young, secrétaire adjoint de la Marine à la recherche, au développement et aux acquisitions, a déclaré :

Cette décision reflète vraiment le meilleur rapport qualité- prix pour le contribuable américain qui paie la note de cet hélicoptère, pour les Marines qui l'exploiteront et pour les futurs présidents qui voyageront à son bord.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire comment il se fait que les Américains ont préféré le EH-101 au Sikorsky S-92 parce qu'il représentait « le meilleur rapport qualité-prix », alors que, pour remplacer le Sea King, le Canada continue de favoriser dans une certaine mesure le S-92, qui n'est encore qu'un hélicoptère sur papier?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Franchement, sénateur Forrestall, votre question ne me surprend guère et je m'attendais à vous voir la poser dès votre retour au Sénat.

Je vous répondrais en bref que la différence dans les choix tient à la différence dans les missions.

Le sénateur Forrestall : Pas mal.

Le sénateur Austin : J'ai eu l'occasion de prendre connaissance de l'avis d'un expert canadien en matière de défense, Martin Shadwick, à propos de ce marché. Voici ce qu'il a déclaré :

Le choix du EH-101 comme hélicoptère présidentiel ne signifie pas que le S-92 est un hélicoptère inférieur. En réalité, pour les besoins de la Marine canadienne, ce dernier appareil constitue probablement un meilleur choix du fait qu'il est plus petit que le EH-101 et qu'il est mieux capable de décoller du pont des frégates de la Marine.

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LE COÛT DU SIKORSKY S-92

L'honorable J. Michael Forrestall : Sauf tout le respect que je dois à M. Chadwick, c'est de la foutaise; c'est tout à fait insensé, et tous qui s'y connaissent le savent.

Même le groupe de protection des contribuables américains, Citizens Against Government Waste, a loué la décision de la Marine, critiquant du même coup United Technologies' Sikorsky, qui a construit toute la flotte actuelle et a participé au projet maintenant abandonné d'hélicoptère d'attaque Comanche, quand il a dit :

Aujourd'hui, les contribuables ont évité ce qui aurait pu devenir un autre parc d'hélicoptères pour lequel doivent être engagées des dépenses illimitées.

Une nouvelle commande faisant suite à la décision relative au EH- 101, où le Canada aurait pu être un très important partenaire, pourrait réduire le coût de ce remplacement du Sea King dans des proportions très raisonnables, selon des fonctionnaires de la Défense.

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada a présenté le processus de remplacement des Sea King, dont la Cour fédérale est maintenant saisie, comme un modèle. Quelles assurances avons-nous de la part du gouvernement que le S- 92 ne deviendra pas un trou sans fond pour les deniers publics?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne vais pas commenter un certain nombre d'affirmations du sénateur Forrestall. Je les laisserai sans réponse.

Voici ce qu'il en est. Le marché précédent de 1993 d'une valeur de 4,8 milliards de dollars, qui a été annulé, ne comprenait que les coûts des hélicoptères eux-mêmes. Le marché des S-92 comprend tous les coûts connexes que représentent les services d'entretien pendant 20 ans. Même si l'on tient compte du coût de l'annulation du marché et des améliorations à apporter à la flotte actuelle, le gouvernement a fait l'acquisition d'hélicoptères de recherche et de sauvetage et d'hélicoptères maritimes neufs pour les Forces canadiennes à un prix inférieur de plus d'un milliard de dollars à ce qu'aurait coûté le marché annulé.

Le sénateur Forrestall : J'ai une dernière question. Le sénateur pourrait-il nous dire un mot sur la tragédie qui s'est produite dans l'Atlantique-Nord, où quelqu'un est tombé par-dessus bord?

En terminant, je pose la question suivante : le gouvernement peut- il ou non envisager — si l'affaire était portée devant les tribunaux ou si des mesures judiciaires étaient prises ou encore si des propositions étaient formulées au sujet du S-92 — de relancer cet important appel d'offres, puisque cet achat devra durer de 30 à 40 ans? Selon un certain courant d'opinion, nous n'en sommes pas encore à un point critique. Il reste encore de nombreux rapports satisfaisants à traiter avant d'en arriver là.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, au sujet de la deuxième partie de la question du sénateur Forrestall, j'espère que le gouvernement agira en fonction des faits; si les faits devaient nous amener à réévaluer le marché, alors nous devrions le faire. À mon avis, toutefois, il n'y a rien en ce sens pour l'instant.

J'apprécie que vous évoquiez l'incident tragique survenu aujourd'hui à bord du NCSM Montréal, qui se trouvait en mer Baltique. Pendant que ce navire effectuait des manoeuvres avec la flotte de l'OTAN, on a constaté que le matelot de 1re classe Robert Leblanc était disparu en mer.

Cela dit, nous avons bénéficié d'une collaboration extraordinaire de la part de nos alliés au cours de nos recherches pour retrouver le matelot Leblanc. Évidemment, tous les sénateurs considèrent qu'il s'agit là d'une tragédie, non seulement pour le matelot lui-même, mais également pour sa famille et pour ses collègues de la Marine.

LE NCSM MONTRÉAL—LA PERTE D'UN MATELOT EN MER

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Puis-je demander au ministre si le NCSM Montréal transportait un hélicoptère sur son pont d'envol et si cet hélicoptère a participé aux recherches après que l'on se soit rendu compte que le matelot pouvait être passé par-dessus bord?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : J'obtiendrai ces renseignements et je vous les communiquerai demain, sénateur Kinsella.

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous souligne la présence à notre tribune d'une ancienne collègue, l'honorable Lois Wilson. Nous sommes heureux de vous revoir.

(1420)

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer trois réponses différées à des questions posées au Sénat. La première est en réponse à une question posée au Sénat le 30 novembre 2004 par le sénateur Keon concernant l'élimination de la pauvreté chez les enfants.

[Traduction]

J'ai une deuxième réponse différée qui concerne une question orale posée au Sénat le 23 novembre par le sénateur Tkachuk au sujet des liens des administrations portuaires avec les sociétés appartenant à la famille du premier ministre.

La troisième réponse différée concerne une question orale posée au Sénat le 23 novembre par le sénateur Tkachuk au sujet des liens de Postes Canada avec les sociétés appartenant à la famille du premier ministre.

LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

L'ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS

(Réponse à la question posée le 30 novembre 2004 par le sénateur Wilbert J. Keon)

Réponse du Canada face à la pauvreté des enfants au Canada

D'après les seuils de faible revenu (SFR) après impôt, le pourcentage d'enfants vivant dans une famille à faible revenu, qui était de 15,7 p. 100 en 1993, a atteint en 2002 le niveau le plus bas jamais enregistré, soit 10,2 p. 100.

Le gouvernement a déjà mis plusieurs initiatives en place.

Le gouvernement aide les familles à faible revenu avec enfants en investissant tant dans le revenu que dans les programmes et services.

  • En 2002-2003, le gouvernement du Canada a versé 7,7 milliards de dollars de soutien du revenu aux familles à revenu faible et moyen par l'entremise de la Prestation fiscale canadienne pour enfants.

  • Ce montant comprend 2,4 milliards de dollars de prestations ciblées destinées aux familles à faible revenu versées par l'entremise du Supplément de la Prestation nationale pour enfants (PNE).

  • D'ici 2007-2008, le montant des prestations versées par l'entremise de la Prestation fiscale canadienne pour enfants atteindra 10 milliards de dollars par an.

En outre, nous prenons des dispositions pour améliorer les services importants pour les enfants, grâce aux mesures suivantes :

  • Un engagement d'investir 5 milliards de dollars au cours de cinq prochaines années pour mettre en place un système d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.

  • Un investissement de 500 millions de dollars tous les ans pour accroître le développement des jeunes enfants grâce à des ententes sur le Développement de la petite enfance (DPE) avec les provinces et territoires.

  • Un investissement de 1,05 milliard de dollars sur cinq ans, afin d'augmenter la disponibilité des services d'apprentissage et de garde des jeunes enfants abordables et de qualité.

Ces mesures s'ajoutent à tous les autres programmes et services gouvernementaux qui appuient les familles à faible revenu avec enfants, notamment :

  • La Prestation pour enfants handicapés (offerte par l'Agence du revenu du Canada, ou ARC) et le Régime de pensions du Canada (programme de Développement social Canada, ou DSC) offrent un soutien du revenu plus ciblé aux familles à faible revenu et à celles qui soutiennent des enfants handicapés.

  • Le crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente harmonisée (TVH) (programme de l'ARC) constitue un paiement non imposable pour aider les personnes et les familles à revenu faible ou modeste.

  • Le montant pour une personne à charge admissible : pour les parents seuls, divorcés, séparés ou veufs qui ont des enfants à leur charge (offert par l'ARC).

  • Une stratégie fédérale sur le développement de la petite enfance pour les enfants autochtones qui comprend l'amélioration et l'élargissement des programmes de développement de la petite enfance existants (Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, Programme de garde d'enfants à l'intention des Premières nations et des Inuits) et l'intensification des efforts à l'égard du syndrome d'alcoolisation fœtale et des effets de l'alcoolisme foetal.

Nous savons qu'il nous reste des défis à relever et nous continuerons de collaborer étroitement avec nos partenaires pour poursuivre la lutte contre la pauvreté chez les enfants.

Réponse du Canada face à la pauvreté des enfants dans le monde

L'Agence canadienne de développement international (ACDI) a pour mandat de soutenir le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de rendre le monde plus sûr, plus juste et plus prospère. Pour s'acquitter de son mandat, l'ACDI a appuyé des initiatives d'aide au développement international destinées aux enfants et est, de fait, un chef de file dans ce domaine.

L'ACDI collabore avec une diversité de partenaires afin d'obtenir des résultats pour les enfants. Par exemple, l'ACDI verse 13,5 millions de dollars à l'UNICEF pour ses activités de base. De plus, l'ACDI octroie des fonds supplémentaires à l'UNICEF en appui à ses projets de développement, y compris l'aide d'urgence, qu'elle met en oeuvre au niveau des pays. La contribution totale de l'ACDI à l'UNICEF a été de 104 millions de dollars en 2003 et de 88 millions de dollars en 2002.

Les enfants sont au centre de toutes les priorités de développement social de l'ACDI : santé et nutrition, éducation de base, lutte contre le VIH-sida et protection des enfants. Les programmes qui ciblent les collectivités, les familles et les individus dans chacun de ces secteurs ont des effets positifs sur la réduction de la pauvreté chez les enfants. De plus, l'importance de l'analyse en matière d'égalité entre les sexes est prise en considération dans l'ensemble des activités de l'ACDI.

Voici de façon plus détaillée certaines des initiatives que l'ACDI a mises en oeuvre dans ces quatre secteurs prioritaires et, plus particulièrement, la façon dont ces initiatives ont aidé les enfants.

1. Santé et nutrition

Le Canada joue un rôle clé dans la lutte contre la malnutrition, plus particulièrement les carences en micronutriments (vitamines et minéraux essentiels). Selon l'UNICEF, le Canada est un chef de file pour ce qui est des programmes de suppléments de vitamine A, lesquels ont atteint 1,5 million d'enfants. On estime que grâce en majeure partie à la contribution du Canada, plus de 7 millions d'enfants sont venus au monde sans souffrir de l'arriération mentale qui est associée à la carence en iode.

Le Canada joue aussi un rôle prépondérant au niveau de la vaccination des enfants contre des maladies évitables comme la poliomyélite et la rougeole. L'Initiative canadienne d'immunisation internationale est le programme porte- étendard de l'ACDI. Des subventions totalisant 80 millions de dollars sur cinq ans sont destinées à l'UNICEF, à l'Organisation mondiale de la santé, à OPS et à l'Association canadienne de santé publique (ACSP).

Cette année, l'ACDI a versé 4,3 millions de dollars, par le biais de la Société canadienne de la Croix-Rouge, pour fournir 740 000 moustiquaires en vue de leur distribution à tous les jeunes enfants et aux femmes enceintes au Togo. Par conséquent, ce pays devient le premier pays africain à atteindre l'objectif qui est de faire en sorte que 60 p. 100 ou plus de tous les enfants de moins de cinq ans puissent dormir sous des moustiquaires imprégnées d'insecticides.

L'ACDI est un acteur important pour ce qui est de réduire le taux de mortalité juvénile due à la rougeole. Depuis 2002, elle a versé plus de 47 millions de dollars à l'UNICEF pour

aider à financer des campagnes de vaccination dans plus de 16 pays, atteignant ainsi 100 millions d'enfants et sauvant 180 000 vies. Le Canada est depuis longtemps un champion dans la lutte pour l'éradication de la poliomyélite. Depuis 1999, l'ACDI a engagé au total 154 millions de dollars pour l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite. De plus, ces deux dernières années, l'ACDI a octroyé plus de 30 millions de dollars pour aider à financer douze campagnes de vaccination contre la rougeole dans dix pays. À ce jour, des résultats ont été déclarés pour sept de ces campagnes.

2. Éducation

La programmation de l'ACDI en éducation vise à accroître l'accès à un enseignement primaire de qualité pour tous les enfants d'ici 2015, à éliminer les disparités entre les sexes et à promouvoir l'égalité entre les sexes, à tous les niveaux de l'enseignement, d'ici 2015. Pour y arriver, l'ACDI doublera ses investissements dans l'éducation de base en Afrique, lesquels passeront à 100 millions de dollars par année d'ici 2005. Cela s'ajoute à son engagement à quadrupler ses investissements dans l'éducation de base dans le monde entre 2000 et 2005, pour une contribution totale de 555 millions de dollars.

Les programmes d'alimentation scolaire attirent tout d'abord les enfants à l'école et permettent ensuite de les y garder et d'améliorer les résultats de leur apprentissage, car une meilleure alimentation réduit les difficultés d'apprentissage. En 2003, le Canada a versé 75 millions de dollars par le biais du Programme alimentaire mondial (PAM) pour la mise en oeuvre de programmes d'alimentation scolaire dans cinq pays d'Afrique (Éthiopie, Tanzanie, Mozambique, Mali et Sénégal).

3. VIH-sida

L'ACDI a adopté une approche équilibrée et stratégique face à la pandémie de VIH-sida, en mettant l'accent sur les soins, les traitements et le soutien, la prévention, la recherche, la sensibilisation et le leadership. L'ACDI reconnaît que les quelque 12 millions d'enfants qui ont perdu un parent au VIH- sida deviennent eux-mêmes plus vulnérables. C'est pourquoi les enfants sont considérés de manière prioritaire dans sa programmation sur le VIH-sida.

Ces cinq dernières années, l'aide globale et coordonnée de l'ACDI dans la lutte contre le sida dans le monde a totalisé 600 millions de dollars.

Le 10 mai 2004, le premier ministre Paul Martin a annoncé une contribution de 100 millions de dollars à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui vise à traiter, d'ici 2005, trois millions de personnes atteintes du sida, ce qui fait du Canada le premier donateur dans le cadre de cette initiative de lutte contre la pandémie. L'ACDI encourage fortement l'OMS à faire en sorte que les enfants soient visés par les programmes de traitements.

Le Canada est depuis longtemps un chef de file dans la lutte mondiale contre l'épidémie de VIH-sida. Le financement de l'initiative de l'OMS « trois millions de personnes d'ici 2005 » témoigne de notre ferme engagement à lutter contre cette épidémie sous tous les angles et à nous pencher sur son continuum.

4. Protection des enfants

En juin 2001, l'ACDI a lancé son Plan d'action sur la protection des enfants, qui défend les droits des enfants qui ont particulièrement besoin d'être protégés contre l'exploitation, la violence et la discrimination.

L'ACDI est sur la bonne voie pour ce qui est d'atteindre l'objectif du Plan d'action qui est de quadrupler le financement pour la protection des enfants, lequel totalisera 122 millions de dollars entre 2000 et 2005.

La programmation de l'ACDI destinée aux enfants touchés par la guerre comprend une éducation de base pour les enfants réfugiés, une formation au règlement de conflit, la réadaptation psychosociale et la réunification des familles.

Au Darfour par exemple, les enfants ont gravement souffert du conflit, comme témoins des atrocités perpétrées dans leurs villages d'origine, et comme personnes déplacées, soumises à un changement radical des conditions de vie et à des conditions extrêmes. Grâce à une subvention de l'ACDI, Vision mondiale aménage des espaces adaptés aux enfants, des espaces où les enfants peuvent jouer, s'exprimer et retrouver un semblant de normalité. Grâce à ces initiatives, ces enfants du Darfour pourront bientôt participer à des activités éducationnelles structurées et recevoir le soutien affectif dont ils ont grandement besoin.

Le Fonds de recherche de l'ACDI sur la protection des enfants (échelonné sur cinq ans) permet de recueillir des données et de s'assurer ainsi que les initiatives de développement soient bien ancrées dans la réalité que vivent les enfants. Le premier de 13 projets est une étude qui porte sur les filles dans des unités de combat. Le projet a donné d'impressionnants résultats et influé sur les politiques et la programmation de l'ACDI et d'autres donateurs, dont la Banque mondiale et plusieurs agences onusiennes.

L'ACDI est fière d'avoir le lieutenant-général Roméo Dallaire (retraité) comme conseiller spécial sur les enfants touchés par la guerre. En plus de fournir des conseils à l'ACDI sur ses politiques et ses programmes, il oeuvre en faveur de l'engagement du public canadien dans ce dossier par le biais des conférences qu'il donne partout au Canada.

LE TRANSPORT

LES ADMINISTRATIONS PORTUAIRES—L'ASSOCIATION AVEC DES SOCIÉTÉS APPARTENANT À LA FAMILLE DU PREMIER MINISTRE

(Réponse à la question posée le 23 novembre 2004 par l'honorable David Tkachuk)

Le gouvernement a fait part de sa réponse à la question 37 en février 2004. Le gouvernement a demandé à la vérificatrice générale d'examiner cette réponse et d'évaluer les réformes à apporter au processus des questions inscrites au Feuilleton. Dans son rapport, la vérificatrice générale a mentionné que la réponse du gouvernement était « raisonnablement complète ». Elle a ajouté : « Le gouvernement du Canada est une organisation vaste et complexe qui fait face à un bon nombre de défis lorsqu'il répond aux questions inscrites au Feuilleton, pour les raisons suivantes : l'évolution de la structure des ministères au fil du temps; les modifications apportées aux systèmes d'information du gouvernement et la mise en place de nouveaux systèmes; la politique du gouvernement sur la conservation des dossiers pendant l'année en cours et les six années précédentes; les systèmes d'information ministériels conçus pour répondre aux besoins de la gestion et qui ne sont pas nécessairement structurés de façon à faciliter la préparation des réponses aux questions inscrites au Feuilleton. Dans sa conférence de presse, la vérificatrice générale a noté que « compte tenu de tous ces facteurs, je crois que la réponse est aussi bonne qu'elle pourrait l'être » et a reconnu « que le gouvernement a pris des mesures utiles pour améliorer le processus de préparation des réponses aux questions inscrites au Feuilleton ».

En ce qui concerne les sociétés à gouvernance partagée, comme la vérificatrice générale l'a clairement indiqué dans son rapport, les avis juridiques diffèrent quant à savoir si les « sociétés à gouvernance partagées » comme les administrations portuaires sont des « organismes du gouvernement ». Le gouvernement estime qu'elles n'en sont pas parce qu'elles ne suivent pas ses politiques et ne partagent pas ses objectifs, et donc qu'elles ne devraient pas participer à la préparation des réponses aux questions inscrites au Feuilleton. Par ailleurs, comme aucune des 18 administrations portuaires n'est financée par les fonds publics, il ne leur a pas demandé de répondre à la question 37.

Il importe de signaler qu'une société à gouvernance partagée est simplement une société pour laquelle le gouvernement du Canada est habilité à nommer ou à désigner un ou plusieurs des membres du conseil d'administration. Par conséquent, une société à gouvernance partagée n'est pas nécessairement sous la tutelle du gouvernement, et celui-ci n'a pas forcément le droit de l'obliger à fournir des renseignements. En fait, il existe environ 138 sociétés à gouvernance partagée au Canada, et un grand nombre d'entre elles n'ont jamais été tenues de rendre des comptes au Parlement.

Dans son rapport, la vérificatrice générale n'a fait aucune recommandation précise concernant les sociétés à gouvernance partagée. Le gouvernement a toutefois signalé qu'il en discuterait avec le greffier de la Chambre des communes en répondant à la première recommandation (selon laquelle le greffier de la Chambre et celui du BCP devraient rédiger un « glossaire » des termes que doivent employer les députés dans la rédaction de leurs questions à inscrire au Feuilleton).

POSTES CANADA

LE RÔLE DES SOCIÉTÉS APPARTENANT À LA FAMILLE DU PREMIER MINISTRE

(Réponse à la question posée le 23 novembre 2004 par l'honorable David Tkachuk)

Le gouvernement a fait part de sa réponse à la question 37 en février 2004. Le gouvernement a demandé à la vérificatrice générale d'examiner cette réponse et d'évaluer les réformes à apporter au processus des questions inscrites au Feuilleton.

Dans son rapport, la vérificatrice générale a mentionné que la réponse du gouvernement était « raisonnablement complète ». Elle a ajouté : « Le gouvernement du Canada est une organisation vaste et complexe qui fait face à un bon nombre de défis lorsqu'il répond aux questions inscrites au Feuilleton, pour les raisons suivantes : l'évolution de la structure des ministères au fil du temps; les modifications apportées aux systèmes d'information du gouvernement et la mise en place de nouveaux systèmes; la politique du gouvernement sur la conservation des dossiers pendant l'année en cours et les six années précédentes; les systèmes d'information ministériels conçus pour répondre aux besoins de la gestion et qui ne sont pas nécessairement structurés de façon à faciliter la préparation des réponses aux questions inscrites au Feuilleton. » Dans sa conférence de presse, la vérificatrice générale a noté que « compte tenu de tous ces facteurs, je crois que la réponse est aussi bonne qu'elle pourrait l'être » et a reconnu « que le gouvernement a pris des mesures utiles pour améliorer le processus de préparation des réponses aux questions inscrites au Feuilleton ».

Tourné vers l'avenir, le gouvernement a accepté de mettre en oeuvre les 8 recommandations de la vérificatrice générale. En ce qui concerne les sociétés d'État, le pouvoir de protéger les renseignements commerciaux de nature délicate est prévu par la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). Ceci dit, le gouvernement accepte la recommandation de la vérificatrice générale, c'est-à-dire que le Bureau du Conseil privé devrait préciser dans quelles circonstances les sociétés d'État seraient tenues d'inclure les informations requises dans ses réponses aux questions inscrites au Feuilleton. Il s'agit d'un important engagement qui touchera plusieurs ministères et ministres, et évidemment, les sociétés d'État. Les fonctionnaires doivent appliquer cette recommandation sur une base prioritaire.


ORDRE DU JOUR

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Mac Harb propose : Que le projet de loi S-22, modifiant la Loi électorale du Canada (obligation de voter), soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir et l'honneur de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-22, qui modifie la Loi électorale du Canada pour rendre obligatoire l'exercice du droit de vote au Canada.

Nous, dans cette Chambre, sommes très privilégiés de représenter les Canadiens. Ce que nous ne saurions oublier, et que des gens de certaines régions du Canada nous rappellent avec insistance, c'est l'importance des élections et de l'exercice du droit de vote pour assurer la stabilité et le succès de notre démocratie parlementaire. Notre démocratie dépend de la participation active de ses citoyens et, bien que l'exercice du droit de vote ne constitue qu'un élément de l'engagement politique, il demeure le fondement même de notre démocratie. Raffermir ce fondement est l'objectif du projet de loi S- 22, qui rendra obligatoire l'exercice du droit de vote au Canada.

Ce projet de loi découle directement d'une crise grandissante dans le processus électoral. Au Canada, la participation des électeurs diminue depuis les années 60 et le taux de seulement 60,9 p. 100 enregistré lors des élections de 2004 est le plus faible jamais vu. D'autres démocraties occidentales connaissent également une baisse semblable. Seulement 55,3 p. 100 des Américains ont exercé leur droit de vote lors des élections présidentielles de 2004 et, en Grande- Bretagne, seulement 57,6 p. 100 des électeurs ont participé aux élections générales de 2001.

Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, seulement un Canadien sur quatre de moins de 25 ans s'est donné la peine de voter lors des dernières élections. La recherche montre que ces jeunes, en vieillissant, risquent de ne pas participer au processus électoral comme leurs parents et leurs grands-parents le faisaient. Les chercheurs canadiens nous disent que cet écart entre les générations représente un changement culturel qui pourrait ébranler le fondement même de nos institutions démocratiques.

Selon l'information recueillie par l'Association d'études canadiennes, le faible taux de participation des électeurs a pour effet de priver un grand nombre de Canadiens de leurs droits. Une étude menée à la suite des dernières élections a révélé que le taux de participation des électeurs variait entre 62,7 p. 100 et 75,4 p. 100 dans les neuf circonscriptions où le revenu moyen était le plus élevé au Canada. Dans les neuf circonscriptions où le revenu moyen était le plus faible, le taux de participation a oscillé entre 45,1 p. 100 et 61,5 p. 100. Quelles voix sont entendues? Ce qui est peut-être plus important, quelles voix ne sont pas entendues?

Aux États-Unis, Arend Lijphart, un politologue renommé, a dit :

Un régime politique prévoyant le droit universel de vote, mais dans lequel seule une infime proportion des citoyens exercent leur droit de vote, ne devrait être considéré comme une démocratie que dans le sens [...] creux du terme.

Les analystes invoquent divers facteurs pour expliquer le déclin de la participation électorale, y compris, et cela est triste, le dégoût qu'inspirent les politiciens, l'indifférence à l'égard des enjeux et le manque de temps des électeurs, mais selon moi le faible taux de participation dans notre système démocratique est surtout attribuable à l'affaiblissement du devoir civique.

Lors de la préparation de mon intervention au sujet de ce projet de loi, j'ai parlé et entretenu une correspondance avec bon nombre de Canadiens. Ils ont été nombreux à me dire qu'une telle mesure se faisait attendre depuis longtemps et qu'il était nécessaire que le gouvernement envoie un signal pour indiquer que le vote est un élément important de notre système. Parmi ceux qui ne souscrivent pas à l'idée du vote obligatoire, les plus virulents sont ceux qui craignent que le projet de loi ne restreigne la liberté individuelle à l'égard du vote.

Honorables sénateurs, c'est peut-être Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections du Canada, qui a le mieux répondu à cette critique lorsqu'il a dit : « Le vote est un droit qui n'a de sens que lorsqu'il s'exerce. »

Honorables sénateurs, au Canada, tous les citoyens qui sont âgés de 18 ans et plus le jour d'une élection générale peuvent exercer leur droit de vote, à l'exception du directeur général des élections du Canada. La bataille qui a mené à l'obtention de ce droit a été difficile et longue car il a fallu éliminer les obstacles à l'égalité des sexes, des races et des religions ainsi que des obstacles administratif, de manière à ce que les femmes, les juges, les personnes handicapées et les détenus dans des établissements correctionnels puissent voter. Après des années de bataille, nous avons perdu de vue que ce droit était assorti d'un devoir, le devoir de voter.

L'exercice du droit de vote est un devoir que les citoyens ont à l'égard de la société. Ils ont aussi d'autres devoirs comme celui de payer leurs impôts, le devoir de servir de juré, de porter une ceinture de sécurité ou de fréquenter l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. Ces devoirs, qui sont des restrictions raisonnables à notre liberté, assurent la réussite de notre société.

L'obligation de voter doit être vue comme étant un des devoirs que les citoyens doivent exercer au nom du maintien de notre système démocratique et des avantages qui en découlent. Les autres propositions en matière de réforme électorale, notamment l'abaissement de l'âge électoral, la représentation proportionnelle et le vote électronique méritent d'être examinées, mais elles ne sauraient suffire.

(1430)

Nous devons faire en sorte que les Canadiens modifient leurs attitudes et leurs habitudes à l'égard de l'exercice du vote. Certaines méthodes donnent de meilleurs résultats que des lois lorsqu'il s'agit de modifier des comportements au nom de l'intérêt commun. Les lois sur le port de la ceinture de sécurité et la conduite en état d'ébriété en sont d'excellents exemples.

En dépit de l'impression très répandue que le vote obligatoire est rare, il existe et avec succès. En fait, 30 démocraties dans le monde affirment avoir le vote obligatoire, même si seulement 16 l'appliquent avec la rigueur que nous envisageons pour le Canada. Ces pays incluent l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, la Bolivie, le Brésil, le Costa Rica, Chypre, Fiji, la Grèce, le Luxembourg, le Pérou, Nauru, Singapour, la Suisse et l'Uruguay. Parmi ces pays, les démocraties les plus anciennes et les plus développées comme l'Australie, la Belgique, le Costa Rica, Chypre, la Grèce et le Luxembourg, tiennent très sérieusement à leur loi sur le vote obligatoire.

Le vote obligatoire a été introduit en Australie en 1924, par un sénateur nommé Alfred Deakin. Son projet de loi d'initiative parlementaire était une réaction à un taux de participation qui était descendu à 57,9 p. 100 en 1922. Aujourd'hui, le taux de vote en Australie se maintient autour de 90 p. 100. En Belgique, le vote obligatoire remonte à 1893. Actuellement, le taux de participation dans ce pays dépasse les 90 p. 100. Les dernières élections à l'Union européenne ont révélé le pouvoir extraordinaire des lois sur le vote obligatoire et de la culture électorale que ces lois amènent. Dans les états où le vote est obligatoire, le taux de participation a été remarquable, atteignant 90,8 p. 100 en Belgique, 89 p. 100 au Luxembourg et 71 p. 100 à Chypre, comparativement à 42,7 p. 100 en France, 45,1 p. 100 en Espagne et un maigre 38,8 p. 100 au Royaume-Uni, pays où voter n'est pas obligatoire.

Le vote obligatoire n'est pas l'épreuve que certains prétendent. Les Australiens ne se sentent pas contraints. En Australie, les sondages révèlent que 70 à 80 p. 100 des Australient appuient le vote obligatoire. On discute très peu dans ce pays de la question de savoir si cela porte atteinte aux droits. Voter est simplement perçu comme un devoir civique peu exigeant.

Finalement, honorables sénateurs, une loi rendant le vote obligatoire démontrerait aux Canadiens que le gouvernement estime que voter est important et que chaque vote compte. Rien n'est plus fondamental, mais nous sommes à un tournant de notre histoire où il faut le réaffirmer.

Honorables sénateurs, le projet de loi est conçu de manière à rétablir la participation au processus électoral comme devoir civique au sein de notre société, tout comme les lois sur la participation obligatoire aux jurys ou sur le port obligatoire de la ceinture de sécurité garantissent que notre système fonctionne bien et que notre sécurité personnelle est protégée.

[Français]

En fait, le vote obligatoire porte assez mal son nom, puisque la seule obligation imposée par le projet de loi est celle de se présenter à un bureau de scrutin. Une fois que l'électeur a reçu son bulletin de vote, il peut cocher la case de son choix, même celle correspondant à « aucun des choix ci-dessus », ou simplement déposer dans la boîte un bulletin vierge. Ceux qui prétendent exprimer leur mécontentement à l'endroit des politiciens ou du système en ne se rendant pas aux urnes le feront beaucoup plus clairement en annulant leur bulletin de vote ou en mettant un X dans la case « aucun des candidats ». Protester en restant à la maison peut être interprété à tort comme une position en faveur du statu quo. Une légère amende est prévue pour les électeurs qui négligent d'aller voter. Elle servira tout simplement à recouvrer une partie des sommes engagées pour l'acquisition du matériel et des installations nécessaires à la tenue du scrutin. Évidemment, aucune amende ne sera imposée aux personnes ayant une raison valable de ne pas aller voter.

[Traduction]

Les études montrent régulièrement que les systèmes imposant l'obligation de voter sans prévoir une amende ne sont tout simplement pas aussi efficaces que ceux qui prévoient une amende aussi minime soit-elle. Le système n'a pas à être complexe. Il ne coûtera pas beaucoup à administrer. Le système australien a montré que de petites amendes sont suffisantes pour changer les habitudes de vote. En Australie, les gens qui ne se présentent pas le jour du scrutin reçoivent une lettre type leur demandant de verser une amende d'environ 20 $ australiens ou de justifier leur absence par un motif comme un voyage, la maladie, des objections religieuses et le reste. Cela règle environ 95 p. 100 des cas. À peine 5 p. 100 environ de ceux qui ne vont pas voter en Australie versent une amende.

Aux divers stades de la préparation de ce projet de loi, j'ai vu que certains étaient préoccupés par la contradiction perçue avec les principes démocratiques libéraux. J'ai déjà mentionné, honorables sénateurs, beaucoup d'autres exemples de tâches obligatoires dont nous devons nous acquitter au Canada. Il est vrai que nous avons des droits et des responsabilités qui s'y rattachent. Nous avons le droit à des soins de santé universels et nous avons la responsabilité de payer des impôts pour financer ces services. Nous avons le droit de subir un procès juste et équitable et nous avons pour responsabilité de siéger à des jurys pour protéger ce droit. Nous avons le droit de vivre dans une société démocratique et nous avons la responsabilité de voter pour soutenir les fondements mêmes de cette démocratie.

Les Canadiens auront toujours le droit de s'abstenir. Je le répète, seuls les électeurs qui sont inscrits seront tenus de se présenter au bureau de vote. Une fois là, ils peuvent choisir un candidat ou rejeter toutes les candidatures. Ils peuvent même déposer un bulletin vierge dans l'urne s'ils le souhaitent. L'essentiel, c'est que toutes les opinions comptent, qu'elles soient en faveur d'un candidat en particulier ou qu'elles rejettent les choix offerts. Si des gens sont incapables d'aller voter, ils n'ont qu'à fournir une explication raisonnable et la question est réglée.

On m'a également interrogé sur la possibilité d'un accroissement du nombre de bulletins annulés ou de votes par des gens mal informés en cas d'obligation de voter. Permettez-moi de garantir aux honorables sénateurs que les bulletins annulés et les votes de ce genre ont toujours fait et continueront de faire partie intégrante de notre régime démocratique. Au cours des dernières élections fédérales, environ 120 000 bulletins ont été rejetés, soit près de 1 p. 100 du nombre total de bulletins.

Là encore, prenons la situation en Australie où 4 p. 100 des bulletins ont été rejetés, ce qui n'est pas un chiffre très important, étant donné le pourcentage beaucoup plus élevé de bulletins valides. Certains soutiennent qu'il est insensé de forcer des gens non informés à voter. Honorables sénateurs, une telle exposition au système électoral peut en fait aider ces gens à être mieux informés.

Comme l'a signalé un journaliste, ces mêmes citoyens « non informés » sont forcés d'agir comme jurés, un rôle qui peut pourtant avoir de graves conséquences. Élections Canada travaille avec diligence à informer et à sensibiliser les électeurs et elle poursuivra ses efforts parce qu'ils constituent un élément important d'un système de scrutin obligatoire.

[Français]

Finalement, avec l'établissement du vote obligatoire, la participation aux élections redeviendra un devoir civique au Canada, mais un devoir quand même peu exigeant. Grâce aux protections destinées à assurer la sensibilisation de l'électorat, l'égalité d'accès et la possibilité d'exercer son droit de vote, la loi proposée établira non seulement notre droit, mais aussi notre obligation civique de participer au processus démocratique.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur sait certainement qu'en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, trois droits seulement sont exclusifs à la citoyenneté canadienne. Un de ces droits figure sous la rubrique Droits démocratiques, il s'agit du droit de vote. Le sénateur est-il en accord ou en désaccord avec la proposition selon laquelle le droit de vote comprend le droit de ne pas voter?

Le sénateur Harb : Je remercie le sénateur de cette importante question. Ma réponse montrera combien l'élaboration de ce projet de loi a été minutieuse justement pour répondre à cet argument. C'est cet argument en particulier qui m'a posé le plus de difficulté, car il s'agissait de savoir si nous violions la charte ou le droit des citoyens de voter ou de ne pas voter.

Ce projet de loi aborde la question en permettant au citoyen qui ne veut pas voter, de ne pas le faire. Le citoyen est uniquement tenu de communiquer avec le directeur du scrutin ou avec Élections Canada avant le jour du scrutin et il ne sera pas obligé de voter.

(1440)

Le plus important, pour une personne, est de s'assurer que son nom ne figure pas sur la liste électorale. Une fois que son nom y figure, elle a l'obligation de voter. Si un citoyen choisissait de faire retirer son nom de la liste, il serait rayé et ne pourrait se réinscrire qu'en faisant la demande à Élections Canada.

Pendant les audiences du comité, nous avons posé au directeur général des élections une question sur ce point précis. Il a déclaré qu'Élections Canada possède non seulement une liste des personnes enregistrées et aptes à voter mais aussi une liste de toutes les personnes qui ne veulent pas que leur nom figure sur la liste électorale. Élections Canada possède une liste officieuse des personnes qui ne veulent pas participer au processus électoral, précisément pour tenir compte de cette situation.

Le sénateur Kinsella : Je remercie l'honorable sénateur d'avoir exprimé son point de vue. Je ne le partage cependant pas. Il me semble que ce mécanisme empiète sur le droit de vote qui, selon moi, comprend le droit de ne pas voter. C'est comparable au droit reconnu à l'alinéa 2a) de la charte, qui vise plus que les citoyens. Aux termes de cette disposition, chacun jouit de la liberté de conscience et de religion.

Je me rappelle avoir participé, aux Nations Unies, à des travaux d'examen portant sur la possibilité d'élaborer une convention sur la liberté de religion. Des représentants d'un peu partout dans le monde avaient fait valoir que la liberté de religion incluait la liberté de ne pas avoir de religion. Je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même en ce qui concerne le droit démocratique de voter.

Dès lors que le droit est admis ou reconnu par les lois, en l'occurrence dans la Constitution, le fait de lier ce droit à autre chose nous amène à nous demander, quelle que soit l'échappatoire prévue, si cette intervention ne constitue pas un empiètement sur ce droit.

Le sénateur Harb : Honorables sénateurs, une disposition du projet de loi de loi porte précisément là-dessus. Si une personne a une raison de ne pas vouloir voter et qu'elle la fait valoir, il n'y a aucun problème. Il y a un problème lorsqu'une personne dont le nom figure sur la liste déclare, sans raison valable, ne pas vouloir voter. Je crois que les droits accordés aux citoyens ne vont pas sans obligations. Tout droit qui ne comporterait aucune obligation n'aurait aucune raison d'être.

Le sénateur Kinsella : Je remercie l'honorable sénateur de ses propos. Dans son intervention, il a attiré notre attention sur des questions touchant les droits et les responsabilités. J'aimerais connaître sa réaction à cette proposition, qui parle des droits et responsabilités et qui s'efforce d'établir une certaine forme de dichotomie qui, en réalité, est une fausse dichotomie, à savoir que poser une contradiction entre les droits et la responsabilité constitue une fausse dichotomie. Dire droits et responsabilité, c'est tautologique, en un certain sens. Convient-il que la notion de droit, étant une notion sociale, implique autrui et, de ce fait, englobe, par définition, la responsabilité? Le concept de droit est inhérent à la notion même de droit et de responsabilité.

Le sénateur Harb : Honorables sénateurs, nous avons le droit de conduire, mais nous n'avons pas le droit de dépasser la limite de vitesse. Nous avons la responsabilité de nous en tenir à une certaine limite lorsque nous exerçons notre droit de conduire. Si nous la dépassons, nous portons atteinte à la sécurité d'autrui.

Nous avions auparavant le droit de ne pas porter une ceinture de sécurité. Avant que le port de ces ceintures ne devienne obligatoire, le taux de conformité était assez bas. Après l'adoption de la loi rendant obligatoire le port de la ceinture de sécurité, le taux de conformité a dépassé 95 p. 100.

Le sénateur Stratton : Pas dans l'Ouest.

Le sénateur Harb : Je dirais donc que si j'ai le droit de prendre ma voiture et d'aller où je veux, ce droit s'accompagne de responsabilités.

Je dirais à mes collègues que ce projet de loi ne diffère en rien des autres projets de loi. Il prend en considération nos droits de citoyens, ainsi que notre responsabilité de citoyens.

Le sénateur Kinsella : Le sénateur voudra peut-être réfléchir à son exemple. Si quelqu'un vivait sur une île et s'il était la seule personne sur cette île, et s'il se levait et déclarait : « C'est mon stylo. J'ai droit à ce stylo. » Est-ce que cette affirmation aurait un sens si il n'y avait personne autour de lui? Le droit à ce bien ne veut dire quelque chose que s'il y a d'autres personnes dans les parages.

En d'autres termes, toute la notion de droit est une notion sociale. Il faut qu'il existe au moins une dyade, au moins deux personnes en cause. Mon argumentation, qui consiste à dire que parler de droits, d'une part, et de la responsabilité, d'autre part, comme s'il y avait entre eux un rapport dichotomique, ne présente pas une conceptualisation du droit, parce que le droit lui-même comprend la notion de responsabilité. Nous portons atteinte à l'intégrité de la notion de droit en en parlant comme si elle se trouvait, pour ainsi, d'un côté de la balance et si la responsabilité lui faisait pendant.

Le sénateur Harb : En l'incluant, le droit n'écarte ou n'exclut pas la responsabilité. Les deux notions vont de pair dans tout ce que nous faisons dans la vie. Le droit de faire quelque chose vient nécessairement avec la responsabilité de faire autre chose. Comme mon collègue l'a dit, nous ne vivons pas isolés comme sur une île. Voilà toute la question. Une société se construit sur des fondations solides, des fondations démocratiques.

Lorsqu'une société en arrive au point où seulement une partie de ses membres participent au processus décisionnel, au choix des dirigeants, des législateurs, de ceux qui décideront de l'avenir, il y a lieu de s'inquiéter de l'intérêt collectif de cette société. Par conséquent, l'institution démocratique qui est responsable des affaires de cette société a la responsabilité d'agir. Je dirais, cher collègues, qu'aucune institution n'est mieux équipée que cette chambre pour examiner cette question en toute objectivité.

Si les choses restent ce qu'elles sont, la tendance qui s'est accentuée depuis les années 50 jusqu'à maintenant suggère que la participation au vote a diminué constamment d'élection en élection. Tout le monde pourrait le dire. En effet, n'importe quel interlocuteur doté d'imagination ou de logique pourrait observer ce qui se passera pendant les 15 à 20 prochaines années et conclure à juste titre que notre démocratie est en crise. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce problème. La France est dans la même situation, de même que la Grande-Bretagne. Nos collègues du Sud ont le même problème, ainsi que bien d'autres démocraties.

(1450)

Cela n'a pas d'importance. Nous ne pouvons parler de déficit démocratique, ce qui équivaut tout au plus à esquiver nos responsabilités, en faisant abstraction de notre responsabilité, en tant que citoyens, de participer pleinement à la société lorsque c'est le temps d'élire nos représentants. À quoi servirait-il d'abaisser à 16 ans l'âge de voter? Si seulement le quart de ces jeunes participaient au processus démocratique, cela ne ferait pas une grande différence et ne réglerait aucunement le problème. C'est presque comme cet oiseau qui enfouit sa tête dans le sable en pensant que tout va pour le mieux autour de lui. Au bout du compte, honorables sénateurs, nous devons faire l'essai. Convoquons les experts. Voyons ce qui s'est passé ailleurs, ce que les autres ont appris en appliquant cette notion. Je crois que l'essai a été fort réussi. Demandons à des experts de répondre à la question de l'honorable sénateur de savoir si cette notion contrevient ou non à la Charte des droits. Il a bien raison de poser la question; il n'est d'ailleurs pas le seul à l'avoir fait. Je suis d'avis, honorables sénateurs, qu'il n'y a aucune violation de la Charte. Selon ce projet de loi, les gens sont toujours libres de voter ou non. Il ne leur enlève pas ce droit. Il est possible que ceux qui ne votent pas doivent payer une amende, ou du moins s'expliquer, mais, en bout de ligne, ils conservent ce droit.

[Français]

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, est-ce qu'il a été envisagé de donner une sorte de bénéfice à ceux qui votent? Par exemple, les gens qui aident financièrement un parti politique reçoivent des déductions fiscales. Au lieu d'envisager le problème de la faible participation au vote en termes de pénalité, ce qui répugne aux gens, ne pourrait-on pas leur accorder une déduction fiscale?

Le sénateur Harb : C'est une très bonne question. Franchement, j'y ai pensé. Malheureusement, comme vous le savez, au Sénat, on ne peut pas être à l'origine de projets de loi qui imposeraient une obligation financière au gouvernement. On ne peut pas présenter ce genre de projets de loi. J'y ai pensé.

Si on fait cela, cela va coûter au Trésor public beaucoup d'argent. La question d'un groupe qui participe au processus démocratique nous intéresse. Ce sont les jeunes en particulier. Si on adoptes des mesures incitatives pour voter, tout le monde va en tirer avantage. Mais ce n'est pas la question en jeu. Nous voulons résoudre un problème.

Le sénateur Plamondon : Pourquoi est-ce que ce serait démocratique de contribuer à un parti politique et non démocratique de demander la même déduction fiscale pour voter? Dans le fond, le problème est d'amener les gens à voter. On se dit que si on amène les gens à voter et si on leur accorde une déduction fiscale, ils vont tous venir et on n'aura pas assez d'argent. Que veut-on? Le vote ou l'argent? Il faut savoir comment atteindre l'objectif. C'est le but de la déduction fiscale. Ce serait pour les moins nantis en même temps que pour les mieux nantis qui aident les partis politiques.

Le sénateur Harb : Je souhaite que ce projet de loi soit étudié par un comité si le Sénat pense que c'est faisable. Je n'ai pas d'objection. Ma principale inquiètude est que nous avons un déficit démocratique dans notre société et il faut s'en occuper, surtout quand on parle des jeunes, comme je l'ai dit plus tôt, car il n'y a qu'environ un sur quatre qui vote. C'est tout.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur lorsqu'il dit qu'il y a un problème dans notre société. Ce problème, selon moi, consiste en un désabusement des électeurs et en une diminution de la participation électorale.

Par contre, j'en viens à une conclusion différente : le déficit démocratique découle en fait de l'incapacité des dirigeants politiques à parler vraiment aux citoyens de notre pays. Il s'agit d'un échec politique, d'un échec de la part des partis politiques, mais surtout de la part des dirigeants qui ne font pas preuve de leadership. Ma conclusion est directement opposée à celle du sénateur Harb.

J'ai deux questions : d'abord, quelles études le sénateur a-t-il réalisées et quelle preuve a-t-il obtenue au sujet des causes du désabusement des électeurs? J'aimerais bien savoir sur quelle méthode et sur quels faits il s'appuie.

Ensuite, après avoir pris connaissance de ces faits, pourquoi le sénateur a-t-il décidé de proposer un processus coercitif pour les électeurs? Pourquoi n'a-t-il pas plutôt choisi d'agir auprès des dirigeants politiques qui n'ont pas la conviction ou l'intelligence nécessaires...

Le sénateur Mercer : Il n'y a pas que notre leadership qui soit en cause.

Le sénateur Cools : ... pour être capables de parler à la population? J'ai un gros problème avec cela. De nos jours, le leadership s'apparente au show-business. On porte des costumes et on monte sur scène. Tous les jours de la semaine, il est possible de voir de simples acteurs jouer le rôle de ministres.

Pourquoi l'honorable sénateur a-t-il conclu qu'il fallait cibler le pauvre citoyen moyen? Pourquoi n'a-t-il pas pensé à un plan qui demanderait aux dirigeants politiques de s'attaquer à ces problèmes? Je veux le savoir, car ce problème existe à l'échelle du pays. Cette ville est remplie de personnes qui croient que les autres sont trop ignorants, trop rustres ou trop rétrogrades.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Cools : Il faut corriger leur comportement, et la façon de le faire est d'adopter une autre loi.

Le sénateur Mercer : Allons donc.

Le sénateur Cools : Tous les jours des lois sont adoptées. Si le sénateur Mercer a quelque chose à dire, il doit alors prendre la parole. Tous les jours...

Le sénateur Mercer : Vous êtes vraiment devenue une conservatrice.

Le sénateur Cools : Tous les jours vous adoptez des lois pour corriger le comportement des Canadiens. Je veux en connaître la justification; je connais bien le milieu politique du pays. Je mets les politiciens au défi de faire face aux questions et de faire face à la population.

Le sénateur peut-il me répondre? Pourquoi veut-il punir les pauvres gens du Canada?

Le sénateur Harb : À la base, on retrouve l'attitude suivante : « Je ne veux pas voter, parce que personne ne s'intéresse à mon opinion. Pourquoi devrais-je voter? Mon vote ne compte pas. » En fait, certains répliqueraient qu'en n'allant pas voter, on passe le message contraire. En ne votant pas, on peut donner à croire qu'on est satisfait.

Selon bien des recherches, les gens ne votent pas quand tout va bien. Comme le sénateur vient de l'exposer, il y a d'autres facteurs. Il y a l'apathie de l'électorat. Les gens sont mécontents des politiciens, car ces derniers sont indifférents, car il n'y a pas assez de reddition de comptes de leur part, car le leadership fait défaut et ainsi de suite.

Honorables sénateurs, ces arguments sont très impressionnants, mais cela me rappelle l'histoire de la poule et de l'œuf. Par quoi doit- on commencer? Devons-nous demander aux citoyens de venir en masse, de voter et de décider s'il faut ou non se débarrasser de ces chefs qu'ils n'aiment pas, ou devons-nous les laisser en paix. Si nous optons pour la deuxième solution, je crains que, tôt ou tard, ce seront des intérêts spéciaux, c'est-à-dire une toute petite minorité, qui décideront quelles personnes vont gouverner la société entre deux élections.

J'ajouterai que j'avais envisagé de prévoir une disposition de réexamen dans le projet de loi. Nous pourrions faire l'essai pour une élection et faire un examen par la suite. Nous pourrions prévoir qu'après cinq ans, la loi serait réexaminée afin de vérifier si elle atteint ou non ses objectifs. Dans la négative, nous pourrions l'abroger. Dans l'affirmative, tant mieux.

La deuxième partie de la question avait trait aux genres d'études qui ont été effectuées. Je suis heureux d'en fournir un certain nombre au sénateur, aussi bien celles qui sont pour que celles qui sont contre. Certaines sont du même avis que lui, à savoir que l'apathie des électeurs résulte du défaut de leadership. D'autres pensent que l'abstentionnisme s'explique par le fait que les électeurs sont satisfaits du statu quo. En fin de compte, nous savons tous qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas dans le système actuel.

Nous avons une responsabilité en tant que sénateurs. Nous sommes censés être la chambre des sages, et notre responsabilité et notre devoir de citoyens atteignent une intensité probablement jamais vue dans l'histoire de notre pays. Nous devons examiner le taux d'abstentionnisme élevé et la faible participation à nos institutions démocratiques. Si, à la fin de notre examen, nous en arrivons à la conclusion que tout va bien et que nous n'avons pas besoin d'agir, je ne verserai pas une larme si ce projet de loi est rejeté.

(1500)

Le sénateur Cools : Il me semble fort intéressant que le sénateur ait reconnu que les institutions démocratiques comportent un déficit démocratique. J'estime donc que l'apathie des électeurs est une conséquence de ce déficit. En réalité, vous voyez la chose à l'envers.

Puisque vous voulez imposer une obligation ou une punition aux gens qui ne votent pas, allez vous légiférer pour imposer une obligation aux parlementaires qui ne votent pas ou qui souhaitent s'abstenir? Si vous pouvez légiférer pour les uns, vous pouvez le faire pour les autres. Lorsqu'on se met à intervenir dans des domaines critiques de la vie — comme l'a fait le gouvernement actuel dans tous les autres domaines critiques de la vie — où s'arrête-t-on? Allez-vous assortir votre projet de loi d'un amendement visant à influencer les parlementaires apathiques, tous ceux qui, bien souvent votent selon les instructions du gouvernement sans même savoir à quel sujet?

Ayant siégé ici 20 ans, je connais fort bien les règles du jeu. Je voudrais savoir si le projet de loi du sénateur contient une disposition portant que les parlementaires soient traités comme il propose de traiter les citoyens du Canada.

Le sénateur Harb : Rien de tel n'est prévu.

Le sénateur Cools : Absurde.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS AGRICOLES, AGROALIMENTAIRES ET FORESTIERS À VALEUR AJOUTÉE

LE RAPPORT DU COMITÉ DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts intitulé La valeur ajoutée dans l'agriculture au Canada, déposé au Sénat le 14 décembre 2004.—(L'honorable sénateur Fairbairn, C.P.)

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Fairbairn de me céder son tour de parole pour me permettre d'intervenir au sujet de ce rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Vous savez sûrement que les agriculteurs du pays sont aux prises avec d'incessantes difficultés et qu'ils ont bien du mal à vivre de leur terre et de leur bétail. En ma qualité de membre et d'ex-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je peux témoigner de la grande détermination des agriculteurs, qui s'accrochent en dépit des difficultés, lesquelles, comme vous le savez, sont souvent indépendantes de leur volonté.

Cependant, les nouvelles initiatives agricoles nous permettent d'espérer en un avenir meilleur, car elles ouvrent des perspectives. Je veux parler de l'agriculture à valeur ajoutée, un sujet sur lequel le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a entendu des témoignages durant les deuxième et troisième sessions de la 37e législature.

Je voudrais vous faire part aujourd'hui de mon point de vue sur certains des témoignages intéressants qu'ont présentés au comité sur cette question des groupes d'agriculteurs, des représentants du commerce agroalimentaire, des coopératives agricoles appartenant à des agriculteurs, du secteur familial, du secrétariat du commerce intérieur et des fonctionnaires de divers ministères et organismes fédéraux.

D'abord, je dois admettre que la valeur ajoutée à l'agriculture n'est pas une idée nouvelle; ce qui est nouveau, ce sont l'importance qu'elle revêt ainsi que les possibilités qu'elle crée. La valeur ajoutée constitue la source d'une croissance nouvelle en agriculture. Elle offre aux agriculteurs le moyen de s'adapter aux changements en profondeur que connaît l'agriculture au Canada et dans le reste du monde. Je voudrais parler de ces changements, mais je commencerai pas décrire ce que j'entends par agriculture à valeur ajoutée.

L'agriculture à valeur ajoutée couvre un large éventail de stratégies et d'activités commerciales qui vont au-delà de l'agriculture traditionnelle et de la vente de produits de base en vrac. Elle concerne les légumes organiques, le carburant à l'éthanol produit avec du maïs, l'agrotourisme, les pommes glacées, les céréales prêtes à consommer et, bien sûr, le vin de qualité.

De façon générale, la valeur ajoutée, c'est tout ce qui ajoute de la valeur à l'activité agricole. C'est une innovation qui modifie, améliore ou crée de nouveaux produits; ce sont de nouveaux usages et de nouvelles méthodes de production qui ajoutent de la valeur, de l'avis du consommateur, à un produit.

La valeur ajoutée par les agriculteurs est issue de la nécessité de s'adapter à un environnement changeant. Le système agricole et agro-alimentaire canadien s'est considérablement transformé au cours des deux dernières décennies. Cette transformation a été provoquée par l'évolution des goûts des consommateurs, par les progrès de la science et de la technologie et par les accords internationaux comme l'accord sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce, qui a mis ce secteur à l'avant-scène des négociations sur le commerce international.

L'accroissement des échanges commerciaux conduit à une augmentation de la concurrence, ce qui fait que les exploitations agricoles doivent grossir pour survivre. Mais elles diversifient aussi leur production et se spécialisent pour tirer profit des marchés de choix.

En 2002, le Canada était le quatrième exportateur de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde et le cinquième exportateur en général. Au cours des 15 dernières années, la valeur des exportations de produits de consommation a été multipliée par un facteur supérieur à quatre, alors que la valeur des exportations de marchandise en vrac est demeurée à peu près la même. Au cours de ces années, le centre de gravité du marché s'est nettement déplacé vers la vente au détail des produits alimentaires. Lorsque je présidais le Comité de l'agriculture, j'ai entendu dire que la part des cinq plus grandes entreprises de ventes au détail au Canada représentait 60 p. 100 du marché et que cette concentration sur le marché risquait de s'accentuer davantage.

Les préférences des consommateurs changent. Le vieillissement de la population du Canada et l'augmentation plutôt lente des revenus disponibles contribuent au ralentissement de la croissance des achats de nourriture, proportionnellement à l'ensemble des dépenses. La concurrence au sein de l'industrie alimentaire est donc très vive, et cette industrie est de plus en plus segmentée. Nombre de consommateurs recherchent des aliments pratiques, prêts à manger, ce qui peut augmenter le nombre d'étapes à franchir pour que les produits passent de la ferme à la table. En revanche, les nouvelles chaînes de production alimentaire à valeur ajoutée créent de nouvelles possibilités pour les agriculteurs. Les consommateurs recherchent de plus en plus les produits spécialisés, notamment les produits destinés aux gens qui se soucient de leur santé et de leur mode de vie et aux consommateurs non traditionnels issus des communautés culturelles.

Par ailleurs, les consommateurs sont de plus en plus conscients des méthodes de production des aliments. Leurs choix sont influencés par l'origine des aliments. Ils veulent savoir comment ils sont cultivés, transformés et préparés. Il est évident que l'industrie agricole est en pleine évolution et que les stratégies axées sur la valeur ajoutée vont dans le sens de cette évolution.

Je voudrais maintenant dire quelques mots des différents thèmes qui ont été abordés au cours des audiences du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. L'attribut fondamental de l'industrie agricole et agroalimentaire est la sécurité des aliments. De bien des points de vue, la valeur ajoutée commence par la salubrité et la sécurité des aliments. Dans un contexte où les consommateurs sont mieux renseignés et plus avertis lorsqu'il s'agit d'acheter des aliments, les systèmes qui visent à assurer cette sécurité dans les exploitations et la diffusion d'information auprès des consommateurs au sujet de ces systèmes peuvent être une première étape vers la valorisation du producteur et de son secteur d'activité.

Le secteur public joue un rôle essentiel dans l'adoption et l'application de règlements et de normes officiellement reconnues qui assurent une protection et favorisent la confiance à l'égard du système agroalimentaire, et il ne faut pas perdre de vue non plus les préoccupations de l'industrie et des consommateurs au sujet de l'harmonisation des régimes de réglementation avec ceux de nos partenaires.

Les Canadiens croient en la salubrité et en la sécurité de leurs aliments. L'un des enseignements de la crise de l'ESB, c'est que les consommateurs canadiens ont continué de considérer le boeuf canadien comme un produit sûr et de haute qualité. À preuve, les Canadiens ont augmenté leur consommation de bœuf canadien dans les mois d'été qui ont suivi l'annonce de la découverte d'un cas d'ESB, en mai 2003. La confiance des Canadiens envers leur système alimentaire est de la plus haute importance, surtout si notre accès aux marchés d'exportation est restreint. Toutefois, le gouvernement doit veiller à ce que cette confiance demeure. On craint que les coûts à subir pour respecter les obligations en matière de santé et de sécurité ne soient prohibitifs pour de nombreuses nouvelles petites entreprises qui souhaitent exploiter des créneaux sur le marché des produits à valeur ajoutée et pour les producteurs qui cherchent à prendre de l'expansion du côté de la transformation. Le gouvernement fédéral devrait envisager d'accroître son financement et d'intensifier ses efforts pour aider les petites entreprises de transformation à atteindre et à maintenir des normes exigeantes en matière de salubrité et de sécurité.

(1510)

Je suis persuadé que bon nombre de sénateurs savent que l'industrie canadienne du vin est une réussite remarquable. En moins de vingt ans, les vins canadiens ont perdu leur stigmate d'infériorité et sont devenus des vins de grande qualité fort prisés et recherchés, remportant des prix et faisant concurrence aux produits de pays vinicoles reconnus. Ce succès est dû aux efforts concertés des divers intervenants de notre industrie vinicole en vue de repositionner les vins canadiens parmi les produits de grande qualité grâce à un processus d'accréditation de la qualité connu sous le nom de Vintners Quality Alliance, ou VQA, qui a imposé des normes très sévères sur l'étiquetage et la qualité gustative des produits. Ce qu'il faut retenir ici, c'est l'accréditation de la qualité. L'adoption de normes de qualité peut aider les agriculteurs à aller au-delà de la nature homogène des produits agricoles primaires et à ne pas se restreindre à la culture du raisin. Les normes de qualité sont très importantes pour permettre la création de catégories de haute qualité pour les produits alimentaires et elles aident à positionner le Canada sur les marchés de luxe. Elles permettent également de rehausser la réputation du Canada sur les marchés d'exportation, ce qui a des répercussions positives sur tout le secteur agroalimentaire au Canada. Tout cela permet également de développer une certaine fierté nationale et favoriser l'achat chez nous.

Les normes de qualité sont généralement basées sur des mesures législatives provinciales ou fédérales qui offrent une certaine protection contre les revendications portant sur des quantités incorrectes ou des étiquettes erronées. Il est essentiel de pouvoir compter sur des normes et des règles nationales appropriées pour pouvoir maintenir et accroître nos activités sur les marchés d'exportation.

J'aimerais dire un mot sur l'agriculture biologique. Le secteur de l'agriculture biologique joue un rôle très important au niveau de la croissance de l'agriculture à valeur ajoutée. Toutefois, cette croissance perd de l'intensité. Le nombre de fermes biologiques accréditées a atteint un plateau. Cela n'est pas dû à une demande insuffisante, puisque la consommation des produits biologiques dépasse maintenant les 10 p. 100. On compte principalement sur l'importation de produits en provenance des États-Unis pour répondre à la demande. Certains ont expliqué le ralentissement de la croissance des fermes biologiques au Canada par le manque de règlement dans ce domaine. En clair, nous avons des normes nationales, mais pas de règlements nationaux.

Ce régime est volontaire; autrement dit, il n'est pas obligatoire de certifier un produit pour le vendre comme étant biologique. Cette situation crée des problèmes aux exportateurs. Faute de réglementation canadienne à laquelle pourraient se fier les pays importateurs, nos exportateurs se font accréditer auprès de l'autorité réglementaire de ces pays. Le Canada ne doit pas tirer de l'arrière par rapport à ses partenaires commerciaux; nous pressons donc le gouvernement fédéral de faire preuve de leadership et, en collaboration avec les provinces et l'industrie de l'alimentation biologique, d'adopter des normes nationales pour réglementer les produits biologiques.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter comment des éleveurs de bovins de l'Atlantique ont uni leurs efforts pour donner de la plus-value aux aliments qu'ils produisent. Le comité a entendu le témoignage édifiant de l'Atlantic Beef Producers Cooperative — une coopérative de nouvelle génération appartenant à des éleveurs de bovins indépendants des Maritimes et gérée par eux. Certains sénateurs ignorent l'existence d'une production bovine dans le Canada Atlantique, mais c'est une réalité.

La coopérative est en train de mettre sur pied une usine d'abattage et de découpage de bovins à l'Île-du-Prince-Édouard, en collaboration avec Coop Atlantique, un détaillant des Maritimes. Les deux coopératives, de concert avec les provinces Maritimes, approvisionnent des magasins d'alimentation en viande de bœuf sous la marque déjà reconnue de « Atlantic Tender Beef Classic ». Voilà un excellent exemple de valeur ajoutée par des producteurs qui se donnent la main pour donner plus de prix à leurs produits alimentaires.

De plus, la coopérative Atlantic Beef peut tirer avantage de sa taille et de sa situation privilégiée pour mettre sur pied une usine qui s'adapte aux besoins des consommateurs en assurant la traçabilité complète de son produit et en posant des exigences particulières aux éleveurs au point de vue de l'alimentation des bovins, afin que son produit soit de qualité constante.

Des coopératives de nouvelle génération comme celle que je viens de vous décrire sont dynamiques et ajoutent de la valeur à leur produit en instaurant un réseautage en amont et en faisant en sorte que les éleveurs aient leur mot à dire dans la production et la transformation des produits agricoles. Cependant, on craint que les États-Unis n'offrent, dans le but de créer une nouvelle génération de coopératives, des incitatifs financiers plus substantiels que ceux qui seraient offerts aux éleveurs canadiens. Nous devons appuyer à fond ces nouvelles coopératives. Par conséquent, je presse le gouvernement fédéral d'examiner la possibilité d'offrir des garanties de prêt et d'autres mesures susceptibles de donner un meilleur accès à des capitaux aux éleveurs qui envisagent d'acheter des parts dans de telles coopératives.

Nous devons également examiner la notion de gestion de l'offre. Comme vous le savez, au Canada, les secteurs de la production de volaille, d'œufs et de lait sont assujettis à un système national de gestion de l'offre. La gestion de l'offre permet aux producteurs, au moyen de la réglementation, d'obtenir une meilleure valeur de la chaîne de valeur des produits alimentaires. Elle leur permet de retirer davantage des dépenses des consommateurs. Les producteurs assujettis à un système de gestion de l'offre reçoivent des rendements protégés et, par conséquent, on craint qu'ils ne soient moins encouragés à exploiter des entreprises à valeur ajoutée. Ce qui est tout à son honneur, le système de gestion de l'offre a adopté des politiques plus souples et a favorisé un dialogue avec les intervenants au sujet de stratégies de production à valeur ajoutée, particulièrement pour les coopératives appartenant à des producteurs, dans certains cas dans le secteur des produits organiques.

Cependant, il est toujours possible de faire plus. Je suis préoccupé au sujet des petits marchés à créneaux qui gagnent de faibles revenus et qui ne peuvent tout simplement pas survivre avec leurs niveaux actuels d'exploitation s'ils doivent acheter des quotas coûteux.

Les produits à valeur ajoutée sont à la merci des forces du marché. Ils découlent d'une nécessité de s'adapter au changement. Les producteurs modifient leurs activités en s'adaptant aux nouvelles préférences des consommateurs. De plus en plus de consommateurs recherchent des expériences agricoles et alimentaires authentiques. De plus en plus de consommateurs planifient leurs loisirs autour des attractions agritouristiques. Cela peut se traduire par l'auto- cueillette de produits à la ferme, l'hébergement dans un gîte du passant à la ferme, des marchés agricoles, des foires, des festivals, des marchés au bord de la route, des cabanes à sucre, et des visites et des colloques dans des vignobles. L'agritourisme accroît l'expérience alimentaire. Un consommateur qui visite une exploitation agricole cherche souvent à se changer les idées, à se renseigner ou à participer activement aux activités de la ferme. L'agritourisme permet également d'établir un lien entre les consommateurs urbains et les régions rurales, qui ont un riche patrimoine et qui sont au cœur de l'identité de notre pays.

Les possibilités que le marquage des produits régionaux offre au secteur agricole me remplissent d'enthousiasme. Le marquage des produits régionaux peut mettre en valeur la qualité et le goût distincts d'un produit alimentaire en particulier, en l'associant aux caractéristiques uniques d'une région. Il peut s'agir de son patrimoine culturel ou de son paysage. Le marquage des produits régionaux ajoute au produit une identité dont les producteurs peuvent se servir pour se démarquer de leurs concurrents.

La salubrité des aliments, les normes de qualité et les pratiques respectueuses de l'environnement sont des ingrédients essentiels du marquage national et régional. En réalité, il faut faire beaucoup d'efforts pour faire reconnaître le label « Fait au Canada » au-delà de nos frontières. En fait, même à l'intérieur de nos frontières, nombre de consommateurs canadiens ne connaissent pas la provenance des produits alimentaires qu'ils achètent. On doit multiplier les efforts et consacrer davantage de fonds en vue de la promotion, ici et dans le monde, de produits canadiens de qualité supérieure.

La recherche stimule le développement de pratiques novatrices et élargit les possibilités de valeur ajoutée. L'émergence de nouveaux produits ou de nouvelles applications, la mise au point de nouvelles méthodes de culture et d'élevage sont aussi le fruit de la recherche.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret de dire au sénateur que son temps de parole est écoulé. Demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Oliver : Honorables sénateurs, je demande la permission de poursuivre mon exposé; j'ai besoin de 5 à 7 minutes.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Oliver : Si les sciences et la technologie progressent rapidement, on assiste parallèlement à la convergence accrue des diverses disciplines des sciences de la vie et d'autres secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. En renforçant les liens et la collaboration entre les centres de recherche du gouvernement, les collèges et les universités ainsi que les laboratoires privés, on évitera les dédoublements inutiles tout en facilitant le transfert des connaissances et de la technologie.

(1520)

Il est un fait que, étant donné l'abondance de nos ressources naturelles, le commerce en vrac des ressources primaires a traditionnellement contribué à la croissance de l'économie canadienne. Le commerce en vrac des produits agricoles et agroalimentaires demeurera un facteur économique important. Cependant, le commerce en vrac de produits primaires à faible valeur ajoutée s'annonce très concurrentiel au cours des prochaines années. Récemment, des négociations et des accords commerciaux, notamment à l'OMC, ont accru les échanges internationaux de produit agricoles et bien des pays émergeants peuvent produire beaucoup à faible coût tandis que d'autres pays continueront de pouvoir subventionner le secteur agricole. Cela a des profondes répercussions sur l'agriculture au Canada.

Le Canada doit être prêt pour la nouvelle situation dans le domaine agricole. Nous sommes bien placés pour être un leader dans la vente de produits à valeur ajoutée. Nous avons une population active éduquée, des installations de recherche, la technologie, un système de distribution des aliments, des infrastructures, des systèmes de santé et de sécurité respectés, des systèmes d'assurance de la qualité et de réglementation, un secteur public compétent et une économie forte et stable. Nous devons encourager une culture de l'innovation.

Nous devons aussi oeuvrer à éliminer les obstacles au commerce qui réduisent les échanges de produits à valeur ajoutée. Il faut réduire l'augmentation des taux tarifaires par nos partenaires commerciaux.

Je suis particulièrement préoccupé par les obstacles au commerce intérieur au Canada même. En 1994, les premiers ministres ont signé un accord sur le commerce interprovincial. Cet accord a contribué à réduire les barrières commerciales internes se rattachant à la mobilité de la main-d'oeuvre et aux marchés publics. Cet accord a également servi à attirer l'attention sur les obstacles au commerce à l'intérieur du Canada.

Cependant, je me préoccupe du fait que certains articles relatifs au commerce international dans le chapitre de l'accord portant sur les produits agricoles n'ont pas été respectés. Je parle du paragraphe 902(4) du chapitre 9, qui exige des ministres qu'ils examinent la portée et le champ d'application du présent chapitre et recommandent d'y apporter les changements qui s'imposent pour lui donner le champ d'application le plus vaste possible et libéraliser davantage le commerce intérieur des produits agricoles et des produits alimentaires. De plus, l'alinéa 903(2)a) du chapitre 9, qui demande aux ministres d'entreprendre l'examen complet du cadre régissant les denrées soumises à la gestion de l'offre et d'appliquer un plan d'action pour la mise en oeuvre de systèmes durables et ordonnés de commercialisation n'a pas été respecté. Il est important d'éliminer les obstacles au commerce qui ne sont pas nécessaires. Le pays entier est avantagé si les producteurs et les transformateurs ont un accès libre et équitable à la totalité du marché intérieur.

En conclusion, j'aimerais insister sur les liens économique et social étroits qui rapprochent les activités agricoles de l'économie rurale. D'après moi, ces liens rendent d'autant plus importantes les initiatives agricoles à valeur ajoutée, dont les retombées vont au- delà de la ferme. On considère que les activités agricoles à valeur ajoutée permettent de stimuler l'emploi et revigorer les collectivités rurales, réduire le risque économique que présente le commerce, diversifier la base économique des collectivités rurales; améliorer la stabilité financière, promouvoir une culture de recherche et d'innovation, atténuer la dépendance des cours mondiaux des marchandises, trouver de nouveaux débouchés aux petites exploitations agricoles et aux petites entreprises en visant des créneaux spécialisés, mieux faire connaître la qualité et l'image de marque des produits régionaux et canadiens, promouvoir des solutions collectives et des partenariats tout au long de la chaîne de valeur des aliments et retenir les jeunes agriculteurs.

Honorables sénateurs, la valeur ajoutée est une bonne nouvelle, surtout pour un secteur qui a tant besoin de bonnes nouvelles. Le Canada est bien placé pour devenir un leader mondial en matière d'initiatives agricoles à valeur ajoutée. Pour le bien de l'avenir de nos collectivités rurales, nous devons veiller à ce que ces nouvelles occasions soient entièrement saisies par le secteur agricole.

(Sur la motion du sénateur Fairbairn, le débat est ajourné.)

[Français]

LE PROGRAMME NATIONAL D'APPRENTISSAGE ET DE GARDE DES JEUNES ENFANTS

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, ayant donné avis le 3 février 2005 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le futur programme national d'apprentissage et de garde des jeunes enfants, et plus particulièrement sur le personnel qui assurera les services offerts en vertu de ce programme.

— Honorables sénateurs, je me permets aujourd'hui d'attirer votre attention sur un sujet d'actualité, le tout nouveau Programme national d'apprentissage et de garde des jeunes enfants, que notre gouvernement a promis l'automne dernier.

On a annoncé qu'une deuxième conférence doit réunir le 11 février prochain à Vancouver les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de ce dossier. Cette conférence identifiera plus précisément les modalités du nouveau programme dont une partie du financement pourrait être annoncée dans le budget fédéral qui devrait être déposé le 23 février prochain.

[Traduction]

Le programme complet devrait être lancé officiellement au cours du prochain exercice financier 2005-2006. Ce programme me tient à coeur parce que j'ai élevé des enfants, que j'ai des petits-enfants et que je constate à quel point la société a évolué depuis 20 ou 30 ans.

Grâce à la quantité inouïe d'information qui est disponible aujourd'hui et à la technologie incroyable qui existe parallèlement à cette information, les jeunes d'aujourd'hui devraient être beaucoup mieux préparés à faire face à la société et au monde du travail que nous ne l'étions lorsque j'étais jeune. Ce programme pourrait contribuer à ce que ce soit le cas.

[Français]

Je m'intéresse aussi à ce dossier en tant qu'ex-éducatrice. Avant, on croyait que la formation de l'adulte commençait à l'école primaire. Maintenant, on sait que la formation de cet adulte commence dès son plus jeune âge, dès sa première année, bien avant qu'il arrive sur les bancs de l'école.

Les progrès des connaissances médicales et psycho-sociales prouvent à quel point la période de la petite enfance joue un rôle important dans l'élaboration à long terme du bien-être émotionnel, comportemental et intellectuel d'une personne.

Les services de garde sont disponibles au Canada depuis un certain nombre d'années mais certaines mentalités n'ont pas encore complètement changé. Certains croient encore que garde équivaut à stationnement. Pourtant de plus en plus de gens parlent aujourd'hui de garde éducative préscolaire, qui est mon expression favorite.

Cette garde éducative préscolaire est la première étape de l'apprentissage structuré de l'enfant. Le gouvernement fédéral a d'ailleurs reconnu et consacré cette évolution des mentalités dans son nouveau programme national. Le concept d'apprentissage est devenu plus important que la simple notion de garde. L'apprentissage est une valeur ajoutée essentielle grâce à laquelle la simple garde est plus qu'un service pour l'individu parent mais aussi un outil de développement pour l'enfant et la société. L'apprentissage préscolaire a un impact énorme sur le développement d'un enfant et sur ses succès à l'école primaire.

Je veux aujourd'hui insister sur deux des aspects du futur programme national annoncé par le fédéral : les compétences du personnel de garde éducative préscolaire et l'accès des francophones minoritaires à des services de garde éducative. Je suis loin d'être la seule à vouloir que nos jeunes enfants ne soient confiés qu'à du personnel compétent.

Cette question est fréquemment revenue sur le tapis lors de la conférence sur les services de garde à laquelle j'ai assisté à Winnipeg en novembre dernier. Je suis loin d'être la seule à vouloir que nos jeunes francophones bénéficient des services de garde éducative préscolaire dans leur langue, où qu'ils soient au pays, puisque tous les organismes de défense des francophones en situation minoritaire exigent ce droit.

Selon moi, les compétences du personnel de garde éducative préscolaire reposent sur cinq conditions principales : un recrutement adéquat, une formation adéquate, un placement adéquat, un développement professionnel adéquat et des conditions de travail adéquates.

L'ensemble de ces cinq conditions permettra au personnel de garde éducative préscolaire d'offrir à nos jeunes enfants une expérience d'apprentissage valable et enrichissante. Qu'est ce que j'entends par recrutement adéquat? Il faut qu'il y ait assez d'employés pour satisfaire à la demande tout en respectant un nombre maximal d'enfants par employé.

(1530)

Il faut qu'il y ait toujours suffisament d'employés au moment où les garderies éducatives préscolaires en ont besoin. Ceci implique un recrutement constant et prévoyant. Il faut que le personnel connaisse les conditions de vie des jeunes enfants dont il a la charge, ce qui peut imposer un recrutement régional ou local, y compris des garderies préscolaires francophones en milieu minoritaire.

Lors du recrutement initial et avant la formation spécialisée, il faut que chaque candidat réponde à des exigences minimales et idéalement normalisées au niveau national, en termes d'instruction et de profil psychologique. Un diplôme de fin d'études secondaires me semble un minimum acceptable pour ce qui est de l'instruction. Nous devons éviter de recruter des pédophiles, des gens agressifs, asociaux ou des personnes dont les valeurs personnelles sont à contre-courant des normes sociales acceptées. Bien évidemment, la qualité du français des candidats destinés à desservir des garderies éducatives préscolaires francophones doit être au rendez-vous.

Qu'est-ce que je veux dire par « formation adéquate »? Une fois recrutés, les candidats devront recevoir une formation spécialisée qui leur apprendra comment éduquer de jeunes enfants tout en assurant le bien-être mental et physique de ces derniers. Cette formation qui devrait être normalisée à l'échelle du pays devrait être suffisamment longue et sérieuse pour rassurer les parents, préparer adéquatement les jeunes enfants à l'école primaire et valoriser le personnel de garde éducative préscolaire.

Nous voulons des enfants, des parents et du personnel heureux. Selon moi, la formation d'un employé de garde éducative préscolaire devrait avoir la même durée minimale et la même rigueur que bien des emplois enseignés dans les collèges communautaires ou techniques. Cette formation structurée devrait donc durer un minimum de 12 à 18 mois, allant peut-être jusqu'à 24 mois. L'accréditation qui découlerait de l'obtention du diplôme de fin d'études devrait aussi être exportable d'une province et d'un territoire à l'autre. La formation devrait couvrir l'ensemble des plus récentes connaissances pédagogiques, médicales, psychosociales et socioéconomiques disponibles.

[Traduction]

Une formation spécialisée, structurée et rigoureuse est indubitablement nécessaire. Un rapport récent de l'OCDE sur les services de garde au Canada révèle que, trop souvent, les personnes qui s'occupent des enfants ont une formation insuffisante et inadéquate, même si certaines possèdent un diplôme universitaire.

Il y a quatre ans, dans ma province, le Nouveau-Brunswick, moins de 20 p. 100 des travailleurs de garderies réglementées avaient un diplôme en puériculture et 61 p. 100 de tous les travailleurs de garderies n'avaient aucune formation spécialisée pour s'occuper des tout-petits. Honorables sénateurs, vous voyez tout le travail qu'il reste à faire.

[Français]

Passons maintenant à la troisième condition, un placement adéquat. Une fois recrutés et formés, les employés de garde éducative préscolaire sont d'inestimables outils pour le développement de nos enfants.

Encore faut-il que ces employés soient au bon endroit au bon moment! Une fois diplômé, un nouvel employé devrait être placé le plus rapidement possible en milieu de travail, tant pour conserver sa motivation et réutiliser ses nouvelles connaissances que pour éviter un désengagement ou un décrochage professionnel causé par une trop longue période d'attente.

Idéalement aussi, un nouvel employé devrait être placé dans la région, la ville ou la garderie de son choix, histoire non seulement d'être heureux, mais aussi d'exploiter ses affinités ou ses connaissances des enfants et de la société avec lesquels il travaillera. Un nouvel employé francophone, quant à lui, devra être placé en priorité dans une garderie éducative francophone.

Chaque région devrait être adéquatement desservie par un nombre approprié de travailleurs de garde éducative, afin de ne pas obliger les parents à envoyer leurs enfants ailleurs ou à se passer des services de garde.

Un employé de garde éducative préscolaire, c'est un peu comme une auto, si vous me permettez l'analogie. Il faut l'entretenir régulièrement pour qu'il dure longtemps. Ce qui m'amène ici à ma quatrième condition, un développement professionnel adéquat.

La formation spécialisée initiale de 12, 18 ou 24 mois ne suffit pas. Comme tout employé qui doit rester à niveau, qui doit rester au courant des dernières connaissances, des dernières tendances, des derniers trucs, les employés de garde éducative préscolaire doivent pouvoir bénéficier d'un encadrement professionnel constant. À leurs débuts dans leur travail, ils devraient être assignés à des mentors, des employés plus expérimentés, qui les aiderairent à prendre leur place. Les employés devraient aussi pouvoir suivre des ateliers de mise à niveau ou des conférences régionales ou nationales. Ils devraient avoir accès à des bulletins papier, électroniques ou téléphoniques sur les dernières trouvailles.

Bien évidemment, ces documents, ces ateliers et ces ressources dont je vous parle devront être disponibles en français, lorsqu'ils viseront des employés francophones, parce qu'on apprend toujours mieux dans sa langue et parce que le droit de travailler en français dans les régions où la demande le justifie est un droit reconnu. Pour les mêmes raisons, un nouvel employé francophone devrait être assigné à un mentor francophone.

Je passe maintenant à la dernière de mes cinq conditions, des conditions de travail adéquates. Pour qu'un employé de garde éducative préscolaire soit utile, il faut qu'il soit bien formé, bien placé, bien maintenu à niveau mais aussi et surtout bien heureux. Le bonheur professionnel passe par de bonnes conditions de travail, un bon salaire, de bons avantages sociaux, de bons horaires, des possibilités d'avancement et une fierté de son rôle. Un employé heureux voudra rester dans son domaine de travail et un employé d'expérience est encore plus utile et inestimable à moyen ou long terme.

Le rapport de l'OCDE dont j'ai parlé plus tôt révèle que le personnel actuel des centres canadiens de la petite enfance est trop souvent sous-payé et qu'il change trop fréquemment. Le 9 novembre dernier, un organisme voué aux intérêts de ce personnel publiait, à la demande du gouvernement fédéral, une mise à jour de son étude de 1998, confirmant ces bas salaires et les mauvaises conditions de travail du personnel dont, entre autres, un nombre moyen d'enfants par travailleur trop élevé. Au Nouveau-Brunswick, le salaire horaire moyen d'un travailleur en garderie, en 2001, était de moins de sept dollars. Vous connaissez tous l'analogie : moins qu'un gardien de zoo.

Pas d'argent, pas de respect, trop de travail, souvent trop de tâches accessoires, nettoyage, administration et le reste, qui enlèvent aux employés du temps avec leurs clients principaux, nos enfants. Tous ces problèmes rendent l'emploi moins intéressant et pas du tout valorisé. Pourtant, les travailleurs de garde éducative préscolaire ont un rôle aussi important et peut-être plus que les professeurs d'école primaire ou secondaire. Vous ne trouverez pas qu'il est logique de leur accorder des conditions de travail aussi intéressantes que ces professeurs?

[Traduction]

Évidemment, si on parle des conditions de travail, on parle de gros sous. Le gouvernement a dit qu'il investirait des sommes considérables dans le futur Programme national de garderies. C'est effectivement un excellent départ. Je félicite le gouvernement d'avoir surmonté les obstacles, mais je peux dire aux honorables sénateurs qu'il faudra assurément engager plus de 5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années si nous voulons recruter et garder des éducateurs qualifiés pour s'occuper des jeunes enfants.

De plus, quel que soit le montant réel investi, nous voudrons qu'il soit réparti également entre les infrastructures — soit les installations et les approvisionnements — la structure de surveillance, c'est-à-dire les normes nationales, et le personnel qui s'occupera de la macrogestion des éducateurs. Il faudrait réserver, en permanence, suffisamment d'argent pour recruter, former, rémunérer et garder ces éducateurs. Je ne crois pas que 5 milliards de dollars suffisent.

[Français]

Est-ce que tout l'argent devrait venir du fédéral? Non. Les gouvernements provinciaux devraient aussi contribuer ainsi que les gouvernements municipaux et même le secteur privé. Après tout, les parents satisfaits parce qu'ils ont accès à des services de garde éducative préscolaire de qualité seront plus disposés à rester au travail pour une entreprise X, dans une ville Y ou une région Z.

Il est tout à fait sensé, d'un point de vue économique, d'investir dans des services de garde éducative préscolaire de qualité puisque les jeunes enfants qui en bénéficieront deviendront plus tard des citoyens plus rentables, si vous me permettez l'expression.

(1540)

Je vais maintenant conclure en insistant sur le fait que les compétences de notre futur personnel de garde éducative préscolaire ne doivent pas vous faire oublier que le français est une des deux langues officielles du Canada. Comme je vous l'ai dit, il faut que les enfants francophones aient accès à des services de garde éducative préscolaire en français, idéalement, où qu'ils habitent dans notre grand pays.

Dans son énoncé de position rendu public le 25 novembre dernier, la Commission nationale des parents francophones insistait pour que les divers intervenants et paliers de gouvernement impliqués dans l'élaboration du programme national reconnaissent les besoins et les priorités des communautés francophones sur les plans de la langue, de la culture et de l'identité. Cette reconnaissance pourrait être financée dans le cadre d'ententes bilatérales comme les actuelles Ententes Canada-communautés. La CNPF, recommandait que les centres francophones de garde éducative préscolaire, en plus d'embaucher du personnel, soient gérés par des francophones.

Honorables sénateurs, je vous laisse sur ces mots et je vous encourage à appuyer le développement d'un réseau national de garde éducative préscolaire à l'intérieur duquel le personnel sera compétent et où le français sera à sa place.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps dont disposait madame le sénateur est écoulé.

L'honorable Joan Fraser : Suis-je autorisée à poser une question?

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Nous accepterions une prolongation de cinq minutes.

Le sénateur Fraser : Merci, chers collègues, je pense qu'il me faudra moins de cinq minutes.

[Français]

Je félicite le sénateur Losier-Cool, son discours était extrêmement intéressant. J'aimerais demander à l'honorable sénateur Losier-Cool si l'attention qu'elle porte aux besoins des communautés francophones en situation minoritaire s'applique aussi, et je l'espère, à la situation des anglophones en situation minoritaire au Québec.

Le sénateur Losier-Cool : Je vous remercie de votre question. Comme vous le savez, au Québec, les services de garde pour petite enfance constituent un modèle. Je ne connais pas trop la situation des garderies de la petite enfance pour les anglophones en situation minoritaire. Je peux vous dire cependant que le sénateur Pépin parlera de la situation du Québec et je lui ferai part que j'aimerais que ce point soit évoqué.

Quand on est minoritaire, on comprend mieux les minorités et les minorités anglophones du Québec seront certainement portées à mon attention.

L'honorable Eymard G. Corbin : Étant donné qu'il y a une période de cinq minutes pour poser des questions, j'aimerais alerter les honorables sénateurs et les inviter à assister aux réunions du Comité sénatorial permanent des langues officielles qui se penchera prochainement, le 14 février, le 7 et le 21 mars, sur l'éducation de la minorité francophone au pays, de la petite enfance à l'université. Nous avons décidé de limiter nos études par secteur afin de ne pas brouiller les cartes. Je vous invite tous à assister à nos réunions.

Le sénateur Losier-Cool : Je ferai de mon mieux pour assister aux réunions.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, au nom du sénateur Cochrane, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 10 février 2005, à 13 h 30.)


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